Mardi , j'ai été à la librairie commander quelques cadeaux de Noël . Puis , j'ai musardé dans les rayons , essayant de brider ma tendance naturelle à vouloir tout acheter ,  à cause d'un titre bien choisi , et d'une illustration de couverture attrayante  ... tendance qui m'a déjà joué des tours . Je me suis limitée à un seul  roman , en poche ,   parce qu'il se passait à l'époque des Béguines et que c'est un milieu dans lequel je me serais bien vue ( la spiritualité  , tout en gardant un pied dans la vie mondaine  ... Bien entendu ) . Puis , à ma grande surprise , j'ai vu sur les rayons un exemplaire de " Franny et Zooey " . Je l'ai aussitôt acheté - tout en me demandant à qui j'allais l'offrir ( je sais maintenant ) . J'ai lu " l'Attrape-Cœur" à seize ou dix-sept ans , je crois , quand il est paru en français . Bien entendu , le livre m'a beaucoup touchée ; j'ai ensuite cherché tout ce qui était édité , de Salinger . Et c'est comme ça que je suis tombée , dans les années soixante-dix , sur " Franny et Zooey" ... Qui a été le panneau du départ sur mon Chemin de Compostelle à moi , finalement . Parce qu'à l'époque ,je l'ai considéré comme une nouvelle ordinaire d'un auteur américain que j'aimais bien ,une nouvelle "familiale" ... Et je me rends compte maintenant qu'il m'a guidée , puis accompagnée tout au long de ma vie .

        Et voilà ! Ce matin , le ciel est tout clair , l’Étoile du matin scintille au dessus du levant , et au réveil je me suis levée avec une grosse souffrance qui me pesait . Sur le cœur . Un rêve , aussi , dont une image persistait : je me trouvais dans une grande pièce , un genre de salle de restaurant ou de réfectoire , peu chaleureuse .  Sur un des murs , crépi en gris , il y avait  une très grande peinture  :  une falaise abrupte ,  circulaire , énorme , le sommet un peu enneigé . Derrière  la falaise , on apercevait un tout petit morceau du toit d'un  clocher , non , de deux - en couleurs . Ouais , très joli paysage de montagne  ...  Une vieille amie me parlait dans l'oreille . Elle voulait savoir "comment faire quand ton conjoint occupe toute la place"  . Je ne lui répondais pas directement : je prenais un détour , que j'espérais pédagogique , par ma propre histoire de souffrance enfantine , je commençais à expliquer que mon papa ne me regardait jamais , ne me parlait jamais . Ca ne l'intéressait pas trop (  Naturellement , cette " amie" représente mon moi de maintenant  , aux prises avec les difficultés de maintenant ) .  En fait ,  je voulais dire à ma copine  que ,pas de problème avec la souffrance : il suffit de s'asseoir tranquillement avec elle  , et de l'accepter au profond de son coeur , de respirer avec elle , de l'inspirer en soi .   Quelquefois , longtemps .

      Et c'est ce que j'ai fait , parce que j'ai plein d'espace le matin de bonne heure , dans ma vie et dans mon cœur  .

        Bon matin , à tout le monde ! Moi , tout à l'heure , la souffrance ne me faisait même plus peur ! je me demande quand ça me viendra - mais il me semble que ça viendra à son heure - de vouloir méditer deux fois par jour ...