Jamais je n'avais lu les Confessions de Saint-Augustin ; mais j'étais tentée . Une raison , bizarre , c'est que ce préfet Dardanus , cher à mon coeur puisqu'il fait quasiment partie de mes ancêtres de Saint-Geniès ( un fantasme ! ), ce même préfet qui voulait , donc , construire la Cité de Dieu , Théopolis , quelque part sur les âpres hauteurs qui entourent Sisteron , a entretenu , parait-il , une correspondance avec lui . Une autre raison .. je ne sais pas trop ; j'en avais entendu causer , disons . En tout cas j'en étais curieuse . Et puis , j'adore les autobiographies ... Donc , partant en vacances , j'avais vu ce bouquin à 5 euros , en Folio Classique - allez , je le glisse dans le sac ...
Bon ! J'ai pas commencé pendant le voyage ; j'ai d'abord dévoré deux bouquins , un peu médiocres , mais qui se lisaient facilement : dans la librairie de Nîmes , je m'étais laissée séduire par la quatrième de couverture - c'est fait pour ça , bien entendu , les quatrièmes de couverture ... - et le fait que c'était écrit par une femme , en plus traduit du suédois ... . Puis , au moment où j'allais attaquer ces fameuses Confessions , un autre roman s'est trouvé sur ma route , emprunté à la bibliothéque d'un sympathique hôtel portugais . Roman très inspiré , pour la première moitié , par Dickens ; pour la deuxième moitié , par d'autres écrivains anglo-saxons plus contemporains . Donc , un peu disparate mais agréable à lire ( le titre du livre a été traduit en français , un peu lourdement à mon goût , par " les grandes espérances du jeune Bedlam... " ) .
J'ai attendu d'être de retour . Les soirées , je vous l'ai dit , sont délicieuses ; sur la terrasse de l'Est , entourés par deux chats sur leurs fauteuils , et Hermione , qui irait bien sur un troisième fauteuil mais l'a pas le droit alors elle's'vautre sur le carrelage , mais là où l'est le plus encombrante . D'ailleurs , nous n'avons que quatre fauteuils ; en osier . Nous jouons au Scrabble , chose qui ne me tente que l'été ; Philippe , cherchant avec rapacité et obstination à gagner à tout prix , reste des heures à traquer le mot qui tue ; donc , en attendant mon tour de jouer , je lis ... ( mais ça n'est pas forcément pour ça que je perds ; d'ailleurs , je ne perds pas toujours . )
Alors , Saint-Augustin ... tout au début , j'ai été séduite par son côté honnête , son côté chercheur de vérité ; plus , et on trouve ça dans les premières pages , c'est ça qui m'a accrochée , son côté hyper logique , une logique , mathématique , suave et poussée à l'extrême limite jusqu'au paradoxe qui vous fait perdre pied et c'est un bonheur , une logique presque exquisement Lewis Carrollienne - le gars qui cherche à mener la logique jusqu'au bout du bout du bout , jusqu'à ce que le serpent du mental , ayant dévoré sa queue vertèbre après vertèbre , centimètre par centimètre , se trouve vraiment coincé et abandonne la partie ...
Et de ce fait , je suis horripilée quand il abandonne la logique pour se ranger dans le giron de l'Eglise - bon disciple vertueux ... ou quand il énonce des affirmations , sans les démontrer . . Là , je l'assassinerais avec joie , à coups de pic à glace - mais je crois qu'il est mort depuis un certain temps . Quand il brûle ce qu'il a apprécié autrefois , dénonçant ses erreurs du passé , je suis plus indulgente ( à une époque je brûlais moi aussi toutes les conneries dont je venais d'émerger ... et ça risque encore de m'arriver . )
En outre ... cette édition Folio Classique reprend une traduction ( traduction du latin ) d'un certain Arnauld d'Andilly , traduction datant du XVII e siècle . Le langage est très jouissif .. Seulement , le bon Arnauld emploie systèmatiquement le mot " catholique " . La religion catholique , l'église catholique .. ça me gêne bien : puisqu'à l'époque où Augustin écrivait , il n'y avait certainement ni catholiques , ni protestants ... Alors , là ! il n'en fallait pas plus pour éveiller mon côté soupçonneux , et me demander ce que le traducteur avait pu , en toute bonne foi vertueuse ( et catholique !) orienter , traduire et trahir , d'autre ...
Ceci dit , je me régale . Tout en sautant de temps en temps des paragraphes entiers - ce que j'ai toujours fait pour Proust que je relis depuis bientôt cinquante ans , et tous les deux ans à peu près . Mais comme je ne saute pas toujours les mêmes , c'est génial ! Alors , pour revenir à Augustin , je sais que je le relirai , et je viens de me commander une autre traduction , contemporaine , en espérant que ça fera moins punaise de sacristie . On verra . Et puis , je pourrai demander à des protestants , dans les Cévennes c'est pas ça qui manque ...