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6 décembre 2017 3 06 /12 /décembre /2017 06:42

 

 

 

         Aujourd'hui , je vais rendre manger chez mon amie R... ,  dans son merveilleux hameau cévenol . Ce que je n'aime pas tant que ça  ,  parce  que j'ai l'impression qu'elle déteste préparer un repas  ; j'aurais , et de beaucoup ,  préféré l'inviter à la maison  ... mais elle a beaucoup insisté .   R...  est le genre de personne qui dit ,  et plus que vivement ,  ce qu'elle ressent . Depuis plus d'un an  , elle ne conduit plus : ses enfants , adultes ,  jugeant sa façon de conduire dangereuse , lui ont interdit de conduire . Pour ce faire ,  ils se sont contentés de ne plus la seconder  pour amener sa voiture , qui avait besoin de réparations ,  au garage  . Le mas où habite mon amie est imbriqué dans les mas de ses enfants , comme c'était l'habitude dans les merveilleux hameaux cévenols .  Le tout , perdu dans les bois ;  et si tu n'as pas de voiture , et si tu marches mal ... vaut mieux apprécier la compagnie des arbres  . A 100 % .  Elle  ,  emberlificotée dans ses propres dépendances ,  veut leur faire plaisir , mais  hurle aussi ... vivant cette interdiction  le plus mal du monde  ; elle parcourt avec intensité  toute la gamme ,  de la souffrance au désespoir , du sentiment d'être trahie à la  colère ... C'est du moins cela qu'elle partage avec moi : je ne sais pas comment elle se comporte , ce qu'elle leur dit ,  quand elle est en leur compagnie . Peut-être ma visite lui sert-elle d'exutoire ...  En tout cas ,  depuis  qu'elle ne peut plus conduire sa voiture à sa guise , la voilà qui marche de plus en plus mal , tombe de plus en plus , a de plus en plus mal au dos ,  se cloître toute la journée chez elle sans faire trois pas dehors ,  et garde farouchement auprès d' elle sa petite chienne , que lesdits enfants préféreraient  voir gambader en liberté avec les autre chiens du mas ... question d'empathie pour les animaux .  

          Ce matin , au réveil , je pense à ma maman : au moment où nous  lui avons dit , fort gentiment , qu'à notre avis , il fallait qu'elle s'arrête de conduire ( sa vue baissait de plus en plus ) .  Quel bienheureux sentiment d'être raisonnable j'éprouvais en lui disant ça  ! Par contre ,  je n'éprouvais pas de profonde empathie : et c'est seulement maintenant , en voyant R. ,  que  je me rends compte de  tout ce qu'implique le fait de ne plus conduire .

          Maman aussi a du souffrir de cette perte d'autonomie  . Mais sans parler ; sans se plaindre abondamment comme le fait mon amie .  Egalement , Maman gérait tata , paralysée , et les gardes-malade ; et finalement , c'était ça la principale cause de souffrance pour elle , de voir tata paralysée qui ne se plaignait pas (mais qui pleurait quelquefois , peuchère ) , et les difficultés qui en découlaient  . En tout cas ,  maman refusait de se plaindre à voix haute ; mais je me souviens que la tristesse suintait d'elle par tous ses pores ; ce qui  m'était d'autant plus insupportable que ça renouvelait un ressenti de l'enfance  . Mais ladite enfance ,  après m'avoir  complétement muselée, aliénée et ligotée ,  avait bouché mes oreilles d'adulte , et j'étais alors trop occupée à garder moi-même la tête hors de l'eau  pour avoir en réserve un surplus d'empathie pour la situation de maman ... je l'aidais de mon mieux ; qui n'était , à ce que je juge aujourd'hui , guère . En plus ,  Philippe , à qui j'avais rabattu les oreilles , tant et plus ,et pendant des années , à propos de mes souffrances de petite fille , par rapport à l'extrême  sévérité de maman ,  son côté à la fois implacable et insupportablement égocentriste , Philippe , donc ,  n'était pas précisément cent pour cent bien disposé envers sa belle-mère .  Quelquefois furieux de peur que je  ne me laisse envahir au point de  retomber malade ; quelquefois jaloux ; pourtant , il était soucieux également d'aider , de son mieux , une vieille dame à garder dignité et autonomie le plus longtemps  possible ... et moi ,  j'étais toujours  déchirée entre mon rôle de compagne et mon rôle de fille  . Misère de misère ... Quelle époque difficile . Et , telle que j'étais à l'époque , la seule certitude c'est que je n'ai pu faire ... que ce que j'ai fait .

        Mes sentiments pour maman , les sentiments de mes sœurs pour maman , tout cela , produit du  passé , amour et blessures et vieilles  rancunes ,   était si terriblement  imbriqué , tout comme les maisons cévenoles .   Alors , c'est peut-être  maintenant ,  quand je vais voir R. , maintenant seulement que je peux m'ouvrir , à petites doses , à la souffrance de R. , et évoquer - peut-être ! les sentiments vécus par quelqu'un qui perd son autonomie . Un peu d'empathie ;  c'est le temps  pour moi .  Quand à ses enfants , qui doivent être , eux aussi ,  douloureusement imbriqués dans leurs sentiments contradictoires  - comme je l'étais à l'époque où vivait  maman ... - je ne peux avoir , comme pour R. , comme pour ma maman et ma Tata Lili , que compassion pour eux .  

 

 

 

N.B :  je ne sais pas si j'utilise vraiment le mot empathie à bon escient ; je viens de lire cet article de Mathieu Ricard , sans en être mieux éclairée ! ... Tout est question de définition .  

http://www.matthieuricard.org/blog/posts/empathie-altruisme-et-compassion-1

 

 

 

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