J'ai acheté une robe sur le marché , l'autre jour … une robe verte . Un joli vert , ni trop clair , ni trop foncé , mais bien franc ; parsemé de pois noirs . Une nouvelle robe , c'est comme une nouvelle personnalité qu'on adopte , un autre côté de soi-même qu'on a envie de rencontrer . Celle-ci serait fraîche , simple , extrêmement tonique ,  gaie, mais ordonnée  … je n'avais pas envie de me déshabiller pour essayer , je l'ai enfilée par dessus le vêtement que je portais . Lequel vêtement était aussi une  robe ( je n'en porte que l'été ) , mais beige ,  à fleurs , et avait comme immense mérite de me rappeler les dessus-de-lit en cretonne que cousait la Tata Lili pour la maison de vacances .  Drôle de choix ?   je ne cherche pas vraiment à séduire ...

         Pourquoi je vous parlais de cette robe ? Je ne sais plus . Je viens de la mettre pour recevoir des invités , après l'avoir lavée et repassée .  Elle est , tout de même , un peu vaste ;  je ressemble à une coccinelle verte . L'insecte , ou bien la voiture ?

         Bon ... tout est prêt , je peux m'installer confortablement ,  sur la terrasse  à l 'ombre , les pieds sur la balustrade , pour lire un bouquin  de tout petit format que je comptais envoyer à ma sœur ( celle qui n'accepte pas d'être devenue lente ) . Mais les caractères en sont si petits ( et elle se plaint aussi de lire plus difficilement quand c'est petit ) que je vais le garder pour moi .  Ce livre , que je découvre avec intérêt ,  je croyais l'avoir déjà lu .  Mais en fait , il  existe un autre bouquin presque pareillement intitulé , mais d'un autre auteur  - livre que j'avais offert à maman il y a bien longtemps , parce qu'elle m'a houspillé toute mon enfance pendant ce cauchemar des neuf longues années scolaires , il fallait aller vite vite vite ( le cauchemar ,  je veux dire surtout à partir du lycée , bien sur ) . Quand je le lui ai offert , vous savez pas ce qu'elle m'a dit ? " mais moi , quand j'étais petite ,  on me disait toujours  que j'étais trop lente … " .

             Aïe , aïe , aïe!  Maman , je suis désolée . Tu m'as transmis ce stress , cette angoisse terrible et souvent stupide , que je me surprends trop souvent à reproduire encore ,  de vouloir aller vite et faire le plus de choses possibles à la fois , de ne pas perdre mon temps ...  J'espère que , là où tu es , tout est vraiment bien … On s'aimait ,  on s'est loupées , je saurais surement mieux te le dire aujourd'hui  …

Eloge de la lenteur , de Carl André

Du bon usage de la lenteur , Pierre Sansot .