Hier , en conduisant sur la jolie route , dans le matin clair et ensoleillé , lumineux et glacé comme du cristal ( l'hiver est arrivé d'un coup , il y a quatre jours ) , je repensais à Keiko . Je prenais conscience avec intensité ( revoyant en pensée son pantalon usé , trop léger pour la saison , ses pieds nus dans ses vieilles chaussures en caoutchouc ... oui , vraiment , une sannyasin , toute dévouée à son art ) - de tout ce dont j'étais chargée , moi , moi qui aime mon confort et la bonne nourriture , moi qui saisis l'occasion , dans les occasions " mondaines" et cette exposition en était une , de m'enfouir dans des pulls hyper moelleux aux couleurs assorties , de porter des bagues ou des pendants d'oreille en argent , cornaline , améthyste ou turquoises ... ( la nana est peut-être moche et vieille , mais ses bijoux , ah ! )
Et j'avais envie de revenir à la simplicité ... d'être délestée ...
Ben , j'ai été gâtée , et tout de suite !
Je devais passer , après le yoga , dans une petite galerie : la propriétaire , qui fait fonctionner en louant de l'espace à des exposants potentiels ,m'avait contactée lors de l'expo ( elle a besoin d'argent ! ) , et comme je ressens le besoin intense de montrer mes peintures , j'y exposerai en Janvier . L'espace est bien éclairé et chaleureux ; toutefois , disparate , et bondé ; et puis , là encore , plusieurs œuvres que je trouve moches de chez moche ... ou dont je soupçonne que le seul but est de faire de l'argent . * Puis , elle insiste pour que j'ai un numéro de Siret . Ce que je n'ai pas , ne vendant que fort peu , ou m'arrangeant pour ne vendre que fort peu , parce que dans mon système de valeurs personnel c'est pas correct de gagner de l'argent avec mes peintures ; je n'ai pas fait la demande pour être en régle avec les impots , déjà parce que mes bénéfices annuels doivent avoisiner les deux ou trois cent euros au maximum , mais surtout parce que j'ai l'abomination de toute la paperasse et la fatigue que ça ferait encore .
Bref ... en rentrant d'Uzés , j'étais de fort mauvaise humeur . Me demandant si je n'allais pas demander à la propriétaire de reprendre mon chéque et ne pas exposer . Ou alors , la laisser encaisser le chèque de dépôt ( ouf ! 85 euros ! et si j'expose , il faudra encore en verser 95 ! ) et ne pas exposer . Faut dire , pour moi , mes peintures sont un genre d'acte religieux ; donc , les mettre dans un lieu où je suppose que ne règne pas la dévotion (!) ... me met un peu mal à l'aise . Mais en partie seulement . Alors ?
L'après-midi , bonheur ! il faisait beau , j'ai jardiné ... dans ma tenue habituelle - pull ruiné , jean ruiné , chaussettes dépareillées , de la boue partout ... je ne pensais plus à cette histoire .
Mais ce matin , j'avais à nouveau cette interrogation . Pourtant , je sens que j'ai vraiment ce besoin de montrer . Qu'est-ce qui est superficiel ? Qu'est-ce qui est important ? En sortant de la petite salle d'exposition , je me sentais mal , et la vue d'une commerçante en train d'arranger sa devanture dans la petite rue peu fréquentée m'a réjouie profondément , parce qu'elle portait d'invraisemblables bottines à hauts talons aiguilles scintillantes , couvertes de paillettes en strass bleu turquoise , et que la vue de ces bottines m'a absolument ravie . Elle montre ses bottines , gratuitement ... au dessus des bottines , une jupe mini mini , trop courte pour son âge et ses jambes solides ( Qui juge , là encore ? ) . Pourtant , la vue de ces bottines étincelantes et pailletées , du superficiel à vingt mille pour cent ai-je envie de dire , m'a fait vraiment chaud au coeur ...
J'ai fait une séance de yoga de bonne heure ; je l'ai fait , pas trop bien , en oubliant des postures dans mon enchaînement habituel , agitée et inquiète , encore . Ensuite , je chante , Dieu merci ! il m'a fallu une bonne demi-heure de chant de OM pour me sentir à nouveau sereine et paisible . Et tenter de reconsidérer l'affaire ... Avec plus de détachement , plus de sérénité , mais toujours des interrogations . Qu'est-ce qui est important dans ma vie , Qu'est-ce qui est superflu ? Avec , toujours en mémoire , l'interrogation des Chartreux : Qu'as-tu , que tu n'aies reçu ? Et si tu l'as reçu , pourquoi t'en enorgueuillir comme si tu ne l'avais pas reçu ?
Et qui donc , en moi , les juge " superficielles " , ces bottines en paillettes bleues ?
* Et qui suis-je pour juger que c'est " mal" de " faire de l'argent " ? Peut-être que ces personnes en ont désespérément besoin , peut-être qu'elles ont besoin de passer par là pour aller plus loin ... Euh , non , ça me reste comme une arête, en travers de la gorge de mon système de valeurs ...