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Le deuxième jour , j'avais commencé à prendre mes repères ... y compris dans cette cuisine pour les géants ( en fait , cet ashram sert de centre pour des week-ends résidentiels en tous genres ,liés à Amma ou non - yoga , méditation , astrologie , plantes médicinales .. - où vient beaucoup de monde . Certes , plusieurs des week-ends m'auraient intéressée - mais je me suis félicitée de n'être venue , pour un premier contact , que lorsque si peu de gens résidaient . D'ailleurs , je reviendrai !
Or , ce deuxième jour ... Avant le lever du soleil , on écoute , sur un disque , un hymne traditionnel , en sanskrit , détaillant mille noms de la Mère Divine . Qu'on peut suivre à peu près , sur un petit livret bilingue ( j'ai acheté le petit livret , ensuite ) - mais la récitation est très rapide ; et c'est , j'imagine , un tour de force en soi-même , de psalmodier tous ces vers , un peu plus de mille à cause de l'introduction et d'autres mantras , sans bégayer , sans toussoter , sans se tromper , sans s'arrêter pour se racler la gorge ... le brahmane qui chante a une belle voix , profonde , au timbre chaleureux . Là encore , un vrai régal ... je me suis crue en Inde , encore une fois . Le bonheur !
Puis , après le petit dej , il y a , chaque matin , un partage des tâches pour la journée . La responsable du centre a tout de suite demandé qui se proposait pour la cuisine ; je n'ai pas répondu tout de suite , plutôt par désir de ne pas me mettre en avant . A ce moment , elle a dit négligemment que s'il n'y avait personne , on pouvait aussi bien jeûner et que personnellement ça ne la gênait pas - bien entendu , mon cerveau reptilien a eu un hoquet de terreur à cette perspective , et je me suis tout aussitôt proposée ; ainsi qu' une jeune fille qui arborait , depuis la veille , un air souffrant et légèrement grognassou sur les bords . Or , la jeune fille avait d'autres chats à fouetter , et quelques ennuis de voiture qui requéraient des mesures immédiates . Si bien que , alors que je suis dans une période où j'en ai un peu marre de faire la cuisine à la maison , je me suis retrouvée seule pour cuisiner - mais pour six personnes ; c'est pas trop dur ; et surtout , surtout , personne d'aussi difficile que mon cher et tendre , qui boude quelquefois la moitié de ma cuisine comme un gamin ; puis j'avais , tout de même , la possibilité de demander de l'aide pour trouver ingrédients et ustensiles tout à côté . Je ne voulais rien faire de compliqué ; cependant , au repas , j'ai été étonnée de trouver vraiment délicieux de simples légumes et du riz cuits à l'eau . L'influence magique des bonnes vibrations de l'ashram ?
Et pourquoi pas , après tout ?
Le troisième jour ... je commençais à m'habituer , mais aussi à avoir mal aux articulations des hanches à force de rester assise à terre sur un coussin plusieurs heures par jour , posture qui m'est pourtant familière et agréable en général . Temps de partir ... Temps d'aller retrouver une amie de longue date , qu'un hasard heureux a fait habiter dans une maison à quelques kilométres . Au bord de la rivière , c'est la dernière maison simple en amont ... Un coin de paradis , quoiqu'elle ait eu grand peur de l' inondation cet hiver , quand sa maison s'est trouvée isolée quelques heures au milieu d'une immense nappe d'eau qui venait lécher son seuil . Quelques heures , seulement ... mais le gentil chat , à demi-sauvage , qu'elle héberge dans son garage , a bien failli en être obligé d'apprendre à nager ...
Un coin de paradis , donc . Le prunier de son voisin rayonnait de lumière , les oiseaux et les abeilles sont protégés , le vin blanc était frais , l'aïoli succulent - et se retrouver là-bas , après la discipline de l'ashram , était un bienheureux retour à la vie "normale" ...
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