... parce que ce soir , nos valises bouclées , la maison presque rangée , Anaïs placée chez les voisins pour quinze jours avec deux sacs de croquettes pour chiens " seniors " (! )  , sa laisse , sa brosse ,  le saladier dans lequel elle boit et celui dans lequel elle mange ; les autres voisins prévenus qu'on va être partis quinze jours , tous les arrangements étant pris pour les chats d'une part , avec notre loueuse d'appartement à Amsterdam d'autre part ; ma marraine en Savoie prévenue qu'on viendra manger avec elle demain midi , etc ... ce soir donc je reçois un coup de téléphone de ma soeur me prévenant que maman vient d'être hospitalisée en urgence à Nice , bronchite ou oedème pulmonaire à nouveau , on ne sait pas ...
  et moi , en fille indigne , je n'ai pas envie de changer mes projets . Parce que maman était tant de fois à la dernière extrémité depuis les soixante dernières années , c'est un scénario qu'on connait tellement  , la pauvre , l'avant-dernière fois elle était tombée en hurlant à cinq heures du matin ,juste  quelques heures avant le moment où je devais la quitter ... maman je t'aime mais s'il te plait lâche moi les baskets ... vous me direz , à l'âge qu'elle a , avec tous les ennuis de santé qu'elle a , le scénario définitif est de moins en moins invraisemblable . 
  Alors , ma mère est à l'hopital ,dernière extrémité ,  et je vais tout de même partir . Parce que hier , je lui avais téléphoné , je lui ai téléphoné presque chaque après-midi depuis quinze jours , et elle avait une bonne voix pour me dire " Bon voyage " . Signe d'un effort conscient pour ne pas peser . La pauvre , la pauvre , rattrapée par son inconscient . Maman , je t'aime mais laisse moi partir . Pourtant je voudrais tellement que tu ailles toujours bien ... mais je pars . Maman je ne peux pas t'emmener partout avec moi , pas de cette façon .