Ca m'a pris hier soir , au moment où je m'apprêtais à me mettre au lit avec un bon bouquin ... quoi lire ? j'ai toujours en train le recueil de textes sur " les femmes et le jardinage " dont je vous ai parlé , mais c'est des textes en anglais , que je lis avec le dictionnaire à portée de la main parce que je ne connais pas le quart des noms de plantes - tiens , je viens d'apprendre que hollyhocks , c'est les roses trémières , peut-être que celui là de mot , je le retiendrai ... et j'avais envie d'un livre en français . Je parcours la bibliothéque , rien ne me vient , Philippe vient d'acheter le nouveau Bourgeon , la suite , enfin ! de la série XVIII e et maritime qu'il avait du commencer il y a vingt ans , ça nous rajeunit pas ... mais c'est lecture réservée jusqu'à demain . D'ailleurs , mon préféré de lui , c'est Les yeux d'étain de la ville glauque , je suis plus attirée par les univers terrestres ...
Et puis , comme je venais de citer à France quelque chose en rapport avec Thich Nhat Hanh , j'ai finalement fait provision de livres de sagesse . Une petite dizaine , pour avoir le choix sur la table de chevet , sans avoir à me relever , quel sybaritisme ... Je commence Thich Nhat Hanh : il a raison bien sur ,mais m'agace un peu ; ce type a du vivre des guerres longues et abominables au Vietnam , et un déracinement ; c'est un boudhisme qui néglige les subtilités psychologiques .Voui , normal , c'est du boudhisme zen ... Voui mais Moua , comme tous les gens qui sont nés avec une cuillère en argent ( plutôt du métal argenté , d'ailleurs , dans ma famille ) dans la bouche , j'aime qu'un enseignant tienne compte des méandres de cet ego ... l'existe pas pour de vrai l'ego - peut-être - , mais quand même , faut pas le passer au rouleau compresseur pour autant ( mon rouleau compresseur , c'était la totalité de ma famille , avec manman et papa au volant ; celui de Proust , si j'ose la comparaison , c'était un père médecin qui ne devait pas être piqué des hannetons , jugeant implacablement la faiblesse nerveuse de son raté de fils ... ) .
Bon , je laisse le volume de Thich Nhat Hanh , c'est pas pour ce soir ... j'avais emporté un Alexandra David-Néel ; non pas ses lettres , ça sera pour plus tard ... mais Le lama aux cinq sagesses , qu'elle a co-écrit avec son fils adoptif , le lama Yongden . Ca n'est pas mon préféré d'elle , mais il y a des siècles que je l'ai lu . C'est un roman , je commence l'histoire ... Boudiou , les petites notes en bas de page d'Alexandra ! C'est quelque chose ! Pas forcément longues , quelquefois ethnologiques , mais ... jugez vous-mêmes , voici la note (1):
Renoncer au nirvâna afin de demeurer dans ce monde , d'y alléger la souffrance des êtres et de leur enseigner les moyens de sen délivrer est un théme religieux favori au Tibet. Cette exagération sentimentale de la compassion repose sur une incompréhension compléte de la nature du nirvâna . Le nirvâna n'est pas un lieu où l'on peut refuser d'entrer , c'est un " état" , l'état d'illumination spirituelle consistant à discerner la nature composée du " moi" , agrégat impermanent d'élément divers . Cette connaissance s'accompagne de notions correctes touchant la nature de ce qui est généralement considéré comme " non moi " ( les objets extérieurs ) et d'une compléte absence de passions : désir ou haine . Il en résulte que celui qui a atteint cette illumination ne peut pas "renoncer" à savoir ce qu'il a appris .
Grands Dieux , cette petite note ... l'effet d'une douche fraîche quand on est agité et mal à l'aise sans savoir pourquoi - mais c'était simplement qu'on avait trop chaud . Quel lecture tonique , cette Alexandra ! Eh oui , elle me rappelle la nature de ce " moi" , et ça fait pas de mal ... Je l'imagine souvent comme une chouette grand-mère affectueuse et tonique , même un peu ronchon, le genre que j'aurais adoré avoir ... Elle me raméne au sens des réalités , mais ne se fâche jamais de me ressasser les mêmes vérités , chaque fois que j'ouvre un de ses livres ... ( Quand à savoir pourquoi elle ne me fait jamais l'effet d'un rouleau compresseur ,c'est un peu compliqué à expliquer . Ca vient , en gros , de la façon qu'avait ma mère de me ressasser avec furie durant les dix-huit premières années de ma vie " mais qu'est-ce que tu as , à ne pas être contente ... tu as pourtant tout ce que tu veux ! " - j'avais tout ce qu'elle voulait , pas tout ce que je voulais . J'imagine manman disant ça à Alexandra au moment où celle-ci s'apprêtait à partir en Inde ... " mais enfin ,Alexandra , tu as tout ce que tu veux ! de l'argent , un bon mari , un métier intéressant ... " - eh ben non , ça allait pas . D'ailleurs , son mari n'était pas un bon mari . Et puis ceci est une autre histoire , comme dirait Kipling . En tout cas , si Alexandra n'était pas partie en Asie , on y aurait sacrément perdu ...
Ceci dit , revenons à nos yacks : il y a façon et façon de traiter cet agrégat impermanent . Les boudhismes Zen le bousculent avec une énergie malicieuse ; il me semble qu'Arnaud Desjardins , dans sa façon de parler des personnages qui nous composent , dans l'écoute profonde qu'il avait *de chaque probléme inhérent à chaque personnage de chaque interlocuteur(rice ) qui s'adressait à lui , en général dans la détresse ... d'accueillir avec une immense compassin chaque misérable élément souffrant de cet agrégat impermanent ... c'était différent . Différent , quoique pareil ...
* J'en parle au passé parce que je ne vais plus l'écouter : l'ashram me rappelle trop une famille , déjà que j'ai la mienne à négocier et que c'est pas de la tarte ...mais tu vas en Inde ? oui mais les ashrams en Inde ça n'est pas pareil , c'est exotique ...