Quand j'étais petite , j'adorais les chapeaux - admiration toute platonique , jusqu'à vingt-trois ans j'étais habillée façon passe-muraille pour essayer désespérément de dissimuler mon corps , et il m'a fallu le début de la mode hippie , je vous parle des années soixante-treize , pour commencer à mettre des vêtements un peu plus excentriques , plus quelques années de psycho machins , pour oser attirer l'attention sur moi . - Pour revenir aux chapeaux , bonnets , bérets , j'ai senti les doigts qui me démangeaient de créer quelque chose en laine bouillie ; après avoir bien observé tous les couvre-chefs féminins lors de notre semaine parisienne de Décembre , je me suis lancée dans la confection d'une toque - ça a l'air si simple , pas d'ourlet , pas de faufil , on coupe , on plisse comme une sculpture , on pique , et poum ! voilà un bonnet tout neuf éclos ... j'en ai fait un gris ( il penche un peu sur le côté ) un rouge foncé ( un peu trop vaste pour ma tête , dommage car la couleur est jolie ) un violet ( un peu trop petit ..) et je me suis arrêtée là . Aucun n'est une réussite , j'ai admis depuis une dizaine d'années que je suis une couturière médiocre , mais je me suis régalée à les faire et c'est l'essentiel . Et même , j'ose les porter ... et pas seulement pour jardiner !
Le premier , le gris , était resté sur le guéridon au premier étage ; l'autre matin , comme je balayais les cendres du feu de la veille dans la cheminée , j'entends un bruit sec et sourd - un oiseau s'était écrasé contre la vitre , un rouge-queue , ça fait toujours peine ... le soleil se levait , il faisait un froid de loup , je me suis dit que s'il était simplement choqué , s'il y avait le moindre espoir qu'il ne soit pas mort , je devais lui conserver de la chaleur ,et soit le rentrer à l'intérieur - où mes chats monstrueux guettaient avec leurs yeux avides - soit le mettre dans une boite garnie de quelque chose de doux... c'est à ce moment là que le chapeau m'a cligné de l'oeil . Laine bouillie , texture et dimensions idéales : je prends le volatile , le pose délicatement dans le chapeau encore tout imprégné de la tièdeur de la pièce , que je replie légèrement - mais voilà le nid parfait , douillet , tiède , sombre ... je laisse le tout dehors , sur le fauteuil en osier , bien orienté sur le balcon et totalement hors d'atteinte des griffes les plus habiles - plus qu'à espérer !
Deux-trois heures plus tard , je viens voir - je soulève un tout petit peu le bord du bonnet , entrevois une plume immobile , et plonge tout de suite dans une résignation cafardeuse - l'est mort l'oiseau ; triste , mais ça arrive tout le temps , la vie , la mort , et allez donc pour un couplet pseudo boudhiste ... je soulève encore , le mort bat des ailes à toute vitesse et va se percher sur l'olivier en contrebas ... il me laisse une petite crotte en souvenir . Et un instant de joie parfaite ...
Un autre chapeau , mais parfaitement réussi , celui là , je l'ai vu sur une photo de Louise Bourgeois . Grâce à Denise , grâce à Daphnée , je suis allée voir récemment des vidéos sur Louise Bourgeois . Je connaissais un peu son oeuvre par un docu vu sur Arte , il y a quelques années , j'aimais beaucoup certaines de ses sculptures . Je parlais de vieillesse , dans le chapitre précédent , et m'interrogeais sur le genre de vieillesse que je me souhaite . Eh , la façon de vieillir de cette dame me convient tout à fait , je crois ... pouvoir continuer à créer jusqu'à un âge aussi avancé .. être hyper vivante jusqu'à la mort ... En tout cas j'adore ses photos, elle y est toute ridée , très belle et très expressive , pas le genre momie liftée comme Madame L'Oréal ... Il y en a une où on la voit de profil , la main étendue , tendue , je l'avais déjà vue auparavant cette photo - mais où ? je ne me souviens plus , si je la retrouve je la mettrai dans ce blog ; et puis une autre ( celle là aussi , si je la trouve ...) où elle porte un chapeau noir , qui fait très XVIII e siècle , genre toque mais plus grand ... cette autre est rigolote parce qu'on pourrait croire à une dame très , très élégante et très , très convenue - si on ne voit que la photo ... Si on ne voit que la photo .