Nous avons passé cinq ou six jours à l'Ashram de Chandra Swami à Domet . J'avais fait plusieurs séjours à l'ashram d'Arnaud Desjardins en France , il y a bien longtemps , je me croyais donc un peu familiarisée avec une atmosphère d'ashram ... je me souvenais d'ailleurs que Chandra Swami y avait été invité une fois , mais , soit qu'il y eut été peu de temps , soit que j'aie été absente le jour où il arrivait , je ne m'en souvenais guère ; tout en me sentant des dispositions enthousiastes envers ce maître spirituel indien . Je savais aussi qu' il avait été le gourou d'Yvan Amar - lui-même devenu un maître spirituel pour bien des gens. Yvan , j'avais été l'écouter quelquefois au temps où j'habitais Aix , un homme d'un humour pétillant , d'une intelligence incroyable ; il a " quitté son corps " comme disent les indiens , il y a quelques années .
Notre petit groupe est arrivé à l'heure du goûter ( si je me souviens bien , encore que je puisse mélanger les heures ) , tschaï et gâteaux secs servis dans une grande salle carrelée de sombre - à claire voie encore ... Chandra Swami était là , un beau vieillard ,très grand , très droit , très solide , barbe et longs cheveux blancs , tout vêtu d'orange ; il nous a lui-même offert les petits gâteaux en faisant le tour des tables , ...quel accueil vraiment gentil , nous nous sentions bienvenus . Ensuite , nous avons entamé la méditation du soir .
Les méditations durent une heure là bas , en silence ( à l'ashram d'Arnaud , c'était plus court ) et souvent dans le noir , les rideaux de la salle sont tirés . Je ne souffre pas trop de mal aux genoux en général quand je suis assise par terre , mais ma respiration me gênait terriblement, le nez complétement et totalement bouché ; j'essayais aussi de m'empêcher de tousser de cette bruyante toux caverneuse .. pas toujours facile , et au fil des jours les quintes de toux étaient vraiment bruyantes . Quand je ne toussais pas , quand mon nez me permettait quelque temps de respirer la bouche fermée , c'est le mental bavard et les pensées qui se précipitaient pour prendre la place dans ma conscience ... Quand à la deuxième méditation , à 9 heures du matin ( la première était à 4 heures et demie du matin , et juste après le réveil je suis en général plutôt présente ) j'étais souvent aux prises avec des accés de sommeil dont je me défendais , à la limite de la chute ( et ceci m'a d'ailleurs donné l'occasion d'apprendre une expression , au lieu de piquer des pois certaines Alésiennes disent piquer des gaufrettes , c'est mignon comme tout ). Malgré celà , j'ai un bon souvenir de ces méditations ; j'y ai touché quelquefois de beaux moments de calme et de profondeur . A moins que je n'aie roupillé profondément ... et confondu un doux sommeil avec un beau moment de méditation ...
Il y avait donc quatre méditations , de une heure chacune , à 4 h 30 , 9 h , 15 h 30 , 18 h30 . Après la méditation du matin , Nathalie nous proposait un peu de yoga sur la terrasse ... puis , petit dej : tschaï bien sur , et une espèce de pâtée de riz parfumée d'herbes et de graines , absolument délicieuse . Ensuite , une petite heure de liberté , ou d'aide à la cuisine , ou à la vaisselle , et c'était déjà l'heure de la deuxième méditation ...un emploi du temps très dense quand on aime traînasser . Au début de chaque méditation , une prière , toujours la même , était dite en anglais et en hindi . On était dans le noir , j'ai cru entendre qu'elle était dite par une petite fille . J'ai été assez surprise quand j'ai vu ensuite que la petite fille comptait probablement quarante ans bien tassés ... Et qu'elle était tellement ravie par la présence du maître qu'elle gardait un sourire perpétuel et extatique sur son fin visage , même et y compris quand il a raconté une très douloureuse histoire concernant la partition de l'Inde , une histoire qu'il a vécu personnellement dans sa jeunesse . Lui la racontait avec la distance et l'humour que toute une vie lui avait permis de mettre sur son histoire d'enfance ... C'est le droit de la personne qui a souffert de raconter sa propre histoire avec distance et humour , mais celle qui l'écoute , si elle n'est pas complétement séparée de sa sensibilité , comment peut-elle rire aussi de cette histoire si terrible ? Le tout m'a mise assez mal à l'aise ... Allez , un peu de charité chrétienne même et surtout si je ne le suis pas , je ne sais quelle était mon expression à moi il y a vingt ans quand j'écoutais Arnaud . Je devais toujours garder un visage fermé et douloureux et ronchon , surement ... Un autre genre de névrose . Ne pas juger ne pas juger ne pas juger Françoise , on ne peut juger de la valeur d'un gourou que par ses disciples vraiment avancés . Et j'en ai rencontré au moins quatre maintenant , en comptant Yvan Amar ... et Dieu sait qu'il m'ont donné l'impresson de personnes exceptionnelles , pas des ravis de la crèche ...
En fin de matinée , il y avait le satsang , une séance de questions réponses , questions posées par les aspirants disciples au maître , qui répond avec intelligence et amour . Chandra Swami a fait voeu de silence , il y a une bonne quarantaine d'années , je crois ; et il répond par écrit aux questions - en anglais . Il y avait plusieurs français et françaises auprès de lui , certaines personnes depuis très longtemps . A l'ashram d'Arnaud , les séances de questions et réponses étaient passionnantes , les questionneurs et questionneurs s'impliquaient personnellement et intensément dans leurs questions , les réponses étaient extraordinairement nuancées , détaillées , allaient dans la profondeur , et apportaient toujours à tout l'auditoire ... je me régalais déjà d'avance de ce satsang . Ouh là ... que c'était lourd ! une personne pose une question écrite , mettons , en français . L'interprète , une disciple depuis plusieurs années , traduit la question en anglais , et lit à haute voix la question en anglais . ( c'est le moment où , si la personne est un tant soit peu bilingue , elle est agacée parce qu'elle trouve que sa question , dont elle a pesé et repesé le moindre mot , est mal traduite ) . Puis la question est traduite en hindi par un autre interprète. On donne le texte de la question à Chandra Swami . Chandra Swami écrit sa réponse , et il faut le temps qu'il écrive , -ouh , ça prend beaucoup de temps , chouette , la réponse va être longue et passionnante . La première interprète lit la réponse en anglais ,d'une voix mal posée qui fatigue déjà , se raidit péniblement contre la fatigue , ou devient un murmure à peine audible en fin de phrase ; tiens , la réponse , oralement , n'est pas aussi longue que je m'imaginais ... et je la trouve un peu sommaire . Ensuite , c'est traduit en français , de la même façon tout aussi enthousiasmante . Enfin question et réponse sont traduites en hindi par l'autre interprète , qui parle , lui , d'une voix bien claire , mais je ne comprends pas l'hindi . Il ajoute quelquefois des commentaires en hindi - non traduits ... Swamiji fait des signes de tête pour montrer qu'il a bien compris ... mais je ne comprends pas .. Tout ça prend bien une vingtaine de minutes ... le satsang dure une demie-heure ...
Mais la première question que j'ai entendue était posée par une anglophone . Bon ! Ouh ! une question bourrée de termes en sanscrits , que je ne connais pas ... si je me souviens bien , elle a demandé si un certain état de réalisation , l'état de machintrucsamadhi après lequel tout le monde est censé courir en étant disciple d'un gourou , était obtenu par la fusion de l'observateur et de l'observé , ou si l'observateur disparaissait ... une question où la dame se situait à un niveau hyper intello ,et qui ne m'interessait donc pas du tout - à mon sens , soit on a atteint ce fameux Eveil , cette compréhension du monde qui arrive comme le tonnerre , et là plus besoin de se poser des questions ; soit on est encore emberlificoté dans l'illusion de l'ego , et dans ce cas pas besoin de nourrir l'intellect non plus ... mais c'est mon point de vue ronchon , la dame est peut-être prof de philo , ou de sanscrit , ou de yoga , en tout cas sur son chemin c'était surement justifié comme question , et il peut y avoir des tas de raisons au fait que le maître ait répondu si soigneusement , en se plaçant au même niveau hyper intello ... la réponse ne m'intéressait pas trop , donc , mais c'était bien long ... bien long ... et poum ! la séance était finie . Une seule question compliquée , et c'est fini ... une petite déception .
Le lendemain , j'étais encore pleine d'espoir .. la question , posée par une autre personne , était banalette , là , et la réponse classique aussi , comme on en trouve dans tous les reader's digest de spiritualité ; à mon avis ça aurait appelé d'autres questions et précisions ... mais , poum ! la séance était finie ... Décidément , je crois que ça ne me tenterait pas d'être disciple dans cet ashram ... un gourou qui parle , et qui parle français , finalement , quel cadeau incroyable pour les apprentis ! Un gourou sur la moindre inflexion vocale duquel on peut s'appuyer ... Dommage , le site est magnifique ...
une note du 1 Août 2017 :
Une personne m'écrit , inquiète de ce que cet article puisse faire du tort à l'ashram de Chandra Swami , ou même décourager certains voyageurs d'y aller . Pour moi , il est évident que Chandra Swami rayonne bien au dessus de tout ce que j'ai pu écrire ( euh , une excuse : la bronchite carabinée que je me trimbalais - l'article a été écrit en Avril , on a du visiter l'ashram en Février ) . Peut-être , si j'y revenais , constaterais-je que j'ai fait des progrès , que les murailles autour de mon cœur sot moins bétonnées , que je serais plus sensible au rayonnement et à l'amour et à l'intelligence du Guru de cet ashram . Mais c'est un peu compliqué d'y aller seule , et je n'ai pas eu d'occasion autrement ni d'intense motivation . Bon , mon " moi" d'alors a écrit ça , a ressenti ça - mon " moi " de maintenant laisse l'article ci-dessus tel qu'écrit en Avril 2011 ... donc , allez-y , ressentez , écoutez , forcément ça ne sera pas la même chose - et dites-vous avec soulagement que Françoise était vraiment gourde à ce moment là !