Je suis revenue à la gestion des affaires de maman ... Avant-hier au téléphone , encore sur le trajet du retour , j'avais plongé dans des affres terribles rien qu'en l'entendant me parler d'un ton atrocement implorant , comme elle me décrivait à quel point N. a été gentil et s ympathique dans son rôle d'auxiliaire de vie ( tant mieux !) , l'emmenant souvent prendre le café au village le matin ; très bien , mais grand Dieux - pourquoi me parle-t'elle de cette voix implorante ? Qui voit-elle à ma place ? elle me dit , suppliante : " parce que je ne sors pas beaucoup ... " reproche à l'égard de sa dernière fille , récemment encore réfugiée outre-Manche , qui ne la sort pas beaucoup ? ( mais les autres , qui ne viennent pas la voir , ne la sortent pas du tout ... ) Je me sens mal ... pourquoi me supplier ? et je me sens encore plus mal quand , lui demandant comment ça s'était passé avec S. , la nouvelle , elle change de ton et me dit avec rancoeur : " oh , ça va ... ça va . Elle n'est pas mal ... sauf que , de temps en temps , elle déraille ... " . Pourquoi S. déraille t'elle ? D'où vient , à maman , ce mot de dérailler , qui n'avait jamais fait partie de son vocabulaire ? cette S. m'a semblé , à moi , une femme pleine de bon sens ... une histoire d'horaires de travail , semble-t'il ... et me voilà à me tourmenter , bêtement , et malgré que je sois désormais résolument décidée à ne plus me noyer dans l'univers tortueux de ma mère (il me suffit de mon univers , qui a été suffisamment tortueux ... ) . Heureusement qu'il y a les méditations pour me remettre dans mon axe ...
Cet après-midi , munie d'une gigantesque boite de sablés achetés en route ( près de Sablé , où nous avons dormi , en fait près de l'abbaye de Solemne dont les moines sont spécialistes en chant grégorien ) et d'un bouquet de roses , je refais mon apparition dans l'antre maternel . Je la trouve plutôt en forme , ma mère ... Elle ronchonne beaucoup contre S. qu'elle trouve trop autoritaire ...
Je lis le cahier de liaison pour savoir ce qui s'est passé en mon absence ; ils ont eu leur tenant de mini catastrophes d'un genre chiant , problémes de plomberie , de téléphone , etc ... En tout cas , S. , à qui j'avais demandé de me faire des comptes rendus détaillés , a parfaitement accompli son office . Chouette ! Je leur suis reconnaissante à tous et leur écrit un gigantesque MERCI sur ce cahier ... Arrive I. , l'infirmière , une fille sympa , pleine de feu et d'énergie ; mais championne , hélas , toutes catégories , des jugements à l'emporte pièce ... Je me rends compte alors qu'elle a attisé les passions des " anciens " contre la " nouvelle " , ajoutant stupidement un absurde diagnostic pseudo psychologique à l'encontre de cette dernière - tout ça parce que j'ai demandé à S. de me faire un compte rendu hyper détaillé ... et qu'elle a trouvé S. indiscrète ...
Et dire que j'espère trouver en S. ma probable remplaçante ... c'est pas encore gagné ...
Nous nous sommes baladés dans l'East Anglia ; lors d'une promenade en bateau ( à moteur ! nous espérions trouver une barque à louer , il n'y en avait pas ) , un grand voilier nous a dépassé , qui remontait le vent dans ce canal étroit en tirant des bords avec une maestria qui m'a émerveillée ...j'ai encore dans l'oreille le bruit qu'il faisait , la coque qui fend l'eau à toute vitesse , le bruit du vent dans la voile , un son que je ne saurais décrire mais tellement fort , tellement plein , que son seul souvenir me remplit de joie et de force ...
Un peu après , je crois , il nous a croisé , dans l'autre sens ... où allait-il ? vers la mer ?