C'était , me semble-t'il , un vers de la ballade du Concours de Blois , de François Villon ... ( mais vous vous souvenez , ça commençait par : Je meurs de soif auprès de la fontaine ... ) et c'est exactement le sentiment que j'ai eu ce matin , de retour à la maison après le voyage à Rishikesh , après le court séjour à Paris pendant lequel j'ai pu apprécier le fait de faire semblant d'être une grand-mère pour quelques heures ... Rishikesh , un lieu de paix où les pensées ralentissent ; entretiens avec un swami érudit , à l'intellect brillant et joyeusement paradoxal ,mais qui m'a semblé garder de son passé catholique le désir ardent de susciter en ses auditeurs l'envie de rechercher l'Eveil , l'envie de l'union avec Dieu d'un côté , la peur de la mort , de la vieillesse et de la maladie de l'autre , de la même façon que ses collégues agitaient autrefois le rêve du Paradis et la terreur de l'Enfer ... la carotte et le bâton ... ce qui m'a laissé une impression bizarre . Shopping frénétique dans les échoppes indiennes ; des moments magiques , comme le passage à l'ashram de Neem Caroli Baba ... ; quelques rencontres étranges - j'y reviendrai - ; arrivée à Paris où je trouve un Philippe pétulant qui piaffe d'envie d'aller au théâtre , dans tous les théâtres ... arrivée ici , où m'accueille un mot plaintif de maman sur le répondeur pour me dire qu'elle n'a plus d'argent ( avais-je mal prévu , il me semblait bien pourtant avoir laissé dans la caisse de quoi faire surabondamment les courses ) Ca n'est pas l'argent dont elle pleure l'absence , bien sur , c'est tout ce qui lui manque , sa troisième fille partie , les autres qui ne viennent pas trop la voir , sa vie à Nice d'autrefois qu'elle voit idyllique , et tout , et tout ... . Plein de gens m'offraient plein de places - aucune ne me semble devoir être la mienne . Je retourne dans les bras spirituels d'Alexandra David-Néel , qui n'est aucunement tourmentée par le désir de m'agiter devant les yeux un chiffon avec, brodé dessus en lettres d'or , le mot " Eveil ". Je retourne donc simplement au goût de l'instant présent , un portail disponible à tout humain . Et qu'importe qu'une abstraction appelée Dieu ne soit pas au rendez vous ...
Retour , donc , à la méditation du matin : ne pas s'identifier au corps , ne pas s'identifier aux pensées ... je lutte péniblement .... Mais quel bonheur , Nathalie nous avait recopié , sur le blog de Sésame Yoga , les mots précieux de Swami Bill , qui venaient de la profondeur et m'ont nourrie .
Enfin .
Poojya swami Chidananda-ji avait coutume de dire que sans la paix, il n'y a pas de bonheur, ce qui pourrait ressembler à de la sagesse populaire courante.
Ici, chaque jour, et de bien des façons, nous chantons shanti shanti shanti paix paix paix
Mais en réalité, au niveau le plus terre-à-terre, nous pensons que le bonheur se trouve dans la stimulation, et même dans la vie spirituelle, nous recherchons des expériences qui nous élèvent, nous stimulent.
Cependant, tout ce qui nous stimule vient puis repart, nous laissant un sentiment d'abandon, ou alors d'insatisfaction, nous en voulons plus.
Plus de Paix.
De temps en temps, il arrive qu'une personne ait une expérience dont elle ressent l'importance, mais qu'elle se dise : "ce n'était pas vraiment intéressant, il n'y avait rien d'exceptionnel" et reconnaissant que c'était important, elle cherche pourtant quelque chose d'autre qui en vaille la peine.
Parce que c'est la qu'on espère que se trouve le bonheur et la vérité.
Peut être c'est là justement qu'on manque notre objectif.
Le bonheur vient de la paix, et la paix est immobilité, vide, rien, c'est comme le silence, quand tous les bruits s'arrêtent, il n'y a rien là… mais quelque chose est là, c'est nous qui sommes là. C'est cela que nous manquons. nous nous manquons nous-même, notre propre fondement.
Dans la musique indienne, tout est spontané, et se développe à l'infini, mais en même temps il y a toujours un fond, un bourdon (de tanpura) qui est joué, et sur ce bourdon infini de magnifiques mélodies se déploient.
C'est cela que notre vie doit être. Trouver notre fondement qui est ce Silence, la Paix, l'Immobilité, et l'installer dans notre vie active. Nous ne sommes pas fait pour nous asseoir dans une grotte en silence, mais nous ne sommes pas fait non plus pour nous perdre dans le monde, sans fondement pour nous appuyer, nous enraciner.
Le but de toute nos pratique spirituelles est de nous aider à trouver ce Silence qui est toujours présent, et nous encourager à installer ce Silence dans notre vie active. Cela nous donnera un sens, et nous donnera la Paix et la satisfaction.
Est il possible que nous nous évertuions à chercher le bonheur dans les satisfactions matérielles ou de l'ego, ou dans la vie spirituelle, sans comprendre ce qu'est réellement le bonheur, et comment le trouver ?