Quel luxe incroyable .. Devant notre maison , le vent froid courbe violemment les cyprès , claque les portes ... nous prenons la voiture , la laissons à cinq minutes de la maison à peine ; dans le vallon abrité du vent , tout en longueur , nous marchons sur un chemin très ancien jusqu'au réservoir dont l'eau scintille . En haut , en bas , des restanques maintenant abandonnées dont les murs s'écroulent . Les oliviers , autrefois soignés , continuent à pousser au milieu des buissons de garrigue envahissants mais sans donner d'olives . J'aimerais bien que quelqu'un les taille .. ils sont beaux ces oliviers . Marcher sur le chemin où tant de pas d'autrefois ont laissé des empreintes évanescentes , rêver en se demandant à quoi les marcheurs d'autrefois rêvaient .. Je pense aux personnages du bouquin que j 'ai terminé le matin même , un roman de Maria Borrély écrit dans les années trente , qui se passe sur le plateau de Valensole ; l'intrigue y est banale , mais j'apprécie l'écriture extrêmement poétique , sensorielle , (on comprend pourquoi Giono en était enthousiasmé ! ça fait d'ailleurs penser à son propre style ) , et le côté documentaire . Ce début d' après-midi , sur ce chemin , les lauriers-tins sont en boutons , signe isolé du printemps à venir ; mais sous mon pull de laine épaisse et mon bonnet home made , j'ai beaucoup trop chaud . Pas Hermione , qui va , vient , saute , court , patauge avec enthousiasme dans les flaques d'eau boueuse qui sont restées sur les parties de chemin à l'ombre . Dans le bois ,le vent continue à courir sur les cimes des arbres et les troncs grincent ...
En redescendant , nous saluons le Mont Ventoux qui flotte au loin , par dessus la plaine un peu ondulée et la large vallée du Gardon . Je ressens l'attachement intense pour cette belle terre d'ici , où j'ai mes racines .. Mais je pars Dimanche prochain , retrouver une autre terre mère , qui ne m'est pas moins chère . Drôle , d'avoir des racines dans des endroits si éloignés .