Notre père était haut-savoyard . Nous avons du vendre il y a quelques années la grosse maison ancienne bienveillante ; restent des champs .. deux champs , très grands . Chacune de mes soeurs a quatre enfants , et des tripotées de petits-enfants .. Emmerdeuse que je suis , moi la troisième née bien longtemps après les autres , moi qui n'ai eu aucun enfant biologique , moi dont la vie à une époque n'a tenu qu'à un fil , fil de la greffe donnée par l' aînée , j'ai tout de même insisté pour avoir mon morceau de champ . Ca n'est pas leur valeur marchande qui m'a fait insister ( je crois bien que ça coutera plus cher de les partager , ce qui implique des géométres , le notaire , l'inscription au cadastre .. ) mais bien leur valeur sentimentale : souvenir de ce papa qui ne me voyait pas vraiment , souvenir de cet endroit où je ne vais plus trop parce que notre enfance a définitivement pris le large , entre les disparitions de personnes et les apparitions de maisons nouvelles ... , et où je ne pourrai revenir sans avoir envie de pleurer . Voilà que je m'accroche bien fort à un bout de pré , pour me souvenir que j'ai aussi des racines là . Pas vraiment le détachement ... Mais l'automne prochain ,quand je saurai où est mon champ , je viendrai y planter des arbres ( j'ai planté un petit cerisier ce matin , et je lui ai envoyé des ondes d'amour et d'encouragement , heureuse et les doigts gelés )
( Il me faudra reprendre une photo meilleure ! les yeux du personnage en haut à droite ne sont en aucune façon tout blancs ..)