Donc , temps idyllique aujourd'hui , aérien , lumineux , léger , ensoleillé et doux ... temps à la promenade .. la révolte intérieure , engendrant une  humeur acariâtre , qui m'habitait depuis quelques semaines  s'est envolée ( pour aujourd'hui ?) , et je propose à Philippe de monter au col d'Uglas : il pourra marcher avec la béquille sur la piste qui est régulière , pendant qu'Hermione et moi chercherons des champignons dans les bois alentours  . Pas de champignons pendant la première heure , je ramasse donc des chataîgnes ,( mon dernier essai de confiture de chataîgnes étant toujours momifié , carbonisé au fond de la casserole inutilisable ; mais vous vous souvenez que je suis opiniâtre ). Hermione en cherche aussi pour les bouffer crues , elle a des difficultés intestinales après ,  mais qu'est-ce que vous voulez ,  quand on aime ...          

           Au retour , je décide d'aller jeter un oeil sous les pins ; la pente est raide, je monte à quatre pattes sous l'oeil ( admiratif ? envieux ? amusé , plus probablement ) de Philippe qui reste sur la route . La chienne grimpe sans problème , le quatre pattes elle connait ça ... je trouve un petit pied-de-mouton , tout petit . Je monte encore , il y a plein de chataîgniers ,  les chataîgnes sont splendides ,  bien plus grosses que celles que j'ai ramassées sur le chemin ... j'arrive enfin à la crête : pins et bruyères ,  graminées ,  vent léger  ... quelques champignons ininteressants , puis d'autres plus curieux :  le chapeau , d'un brun noir écailleux  par dessus ,a des aiguillons beiges en dessous  ; il me semble me souvenir que ce sont aussi des pieds-de-moutons , d'un genre pas très comestible ( mais pas dangereux ) . J'en ramasse un ou deux pour regarder dans le gros livre , très bien illustré ,  que j'ai à la maison . Je marche allégrement  , il y a un minuscule sentier à peine marqué sous les pins , la lumière est belle , les couleurs aussi ... le sentier suit la crête , redescendant vers ce que j'imagine être la route où m'attendra Philippe . J'explique à Hermione , qui gambade à mes côtés , qu'elle a bien de la chance que sa manman ait le sens de l'orientation ... Je médite , tout en marchant , me demandant si le sens de l'orientation est inné ou acquis , me souvenant des très rares promenades avec mon père dans les bois blancs ( en vacances , j'allais aux champignons avec lui , une fois par an ; il préférait , naturellement ,  être seul , mais maman insistait pour qu'il m'emméne - ce dont je la remercie encore , c'était une des rares choses amusantes , dans l'océan d'ennui et d'obligations qu'était la vie à la maison )  La pente devient de plus en plus raide , je devrais déjà être arrivée à la route , c'est curieux  ... j'arrive enfin à un endroit où les arbres sont moins fournis - malheur ! je la vois bien la route , elle serpente sur un autre versant , en face de moi , mais  bien plus haut ... la crête que je suivais a du se séparer en deux , sans que je m'en rende compte ... Je dois remonter  la pente raide , tout en tournant vers le Nord ... j'ai un bref instant de panique , qui ne dure pas , c'est pas si compliqué de rebrousser chemin , une petite demie-heure de marche supplémentaire  ... j'atteins  essouflée une deuxième crête ,  je ne vois plus du tout la route , mais je semble n'être toujours pas au bon endroit  ... je redescends , toujours en direction du Nord , manque me casser la figure sur une racine traîtresse , dans un creux envahi par les feuilles de chataîgnier - j'en ai jusqu'aux chevilles ... et tout à coup , je vois un énorme champignon d'un blanc crème , large comme ma main : un pied-de-mouton , un vrai celui là , délicieux ! suivi d'un autre ,à peine plus petit ...  je n'en ai jamais vu d'aussi énormes ... j'en ai trouvé quatre en tout , mais avec ces quatre là , il y a de quoi faire une super omelette ... Suant , soufflant ,  je rattrape enfin la route , descends sur les fesses le dernier talus  formé de schistes en lamelles qui se cassent la gueule ,  ... Hermione et moi trottons gaiement jusqu'à la voiture ; dont Philippe est absent ,  on a marché si vite qu'il nous faut revenir en arrière pour le retrouver ...  

            Seigneur , quel bonheur de vivre ici ! Quelquefois je trouve incroyable d'avoir atterri , par hasard (? ) dans ce pays Cévenol si beau ,  où je me sens si bien ... je rends grâce ...

                                           ( pour les gens qui ne connaissent pas , ça ce n'est  n'est pas le col d'Uglas , mais le Gardon de Mialet , la photo est prise depuis la route qui  descend du col  )