Ouf ..j'ai sauté dans ma voiture en rentrant du marché d'Anduze vers midi sur un coup de fil de la garde ( cette pauvre M. , que maman apprécie d'ordinaire parce qu'elle est si douce , mais ses yeux qui vont de pire en pire .. ) . Me signalant que maman , obsédée par la nécessité de faire suffisamment pipi , ne voulait plus quitter les WC .. Génial . Comme de toutes façons j'accompagnais maman à l'hôpital pour sa visite de contrôle en pneumologie , je me suis précipitée à la rescousse .. après avoir appelé la toubib de maman , qui m'a dit que quelquefois une infection urinaire , même non douloureuse , fait perdre les pédales .
Maman était sortie des WC avec l'aide de l'autre garde , appelée au secours ( dont le papa pédale dans la semoule depuis quelque temps , et qui a donc l'habitude et la manière ) . Ensuite , je fais la lecture ( j'ai pris le merveilleux recueil de nouvelles de Bulbul Sharma , la colère des aubergines , qui la fait rire ; ça lui fait surement du bien après Jean Giono et le grandiose de Bataille dans la montagne )
La visite au pneumologue s'est bien passée , poumons en parfait état , c'est déjà ça . Philippe , ronchon , nous sert de chauffeur . Mais j'ai eu , au sens figuré , la tête dans la cuvette des WC tout l'après-midi - le corps de ma maman , son corps tout vieux qui , de près , ne sent pas très bon , les couches pour personnes âgées à manipuler , et puis son obsession du moment qu'elle met en mots . Elle me prend un peu pour sa maman , se prend un peu pour un petit enfant . Moi qui ai toujours manifesté peu d'attraction pour les bébés à cause de leur abominable odeur de lait caillé et d'urine , ( découverte enthousiasmante que j'ai du faire vers mes onze ans ; mes soeurs , nouvelles mamans , venaient l'été en vacances avec leurs bébés brailleurs à l'odeur écoeurante ) je suis gâtée ...
Je suis rentrée à sept heures du soir chez nous . Le bain bienfaisant , le jardin vibrant de cigales , où l'herbe commence à être un peu séche , le potager ponctué du bleu des pieds d'alouette , des taches éclatantes des dahlias - même avec les moustiques , enthousiastes par ce temps lourd - était l'antidote idéal . J'ai prolongé avec une promenade dans l'immense verger du voisin , qui a téléphoné pour dire qu'il y avait des abricots à cueillir . Je n'ai pas trouvé l'abricotier , ou plutôt j'en ai trouvé plusieurs , mais pas d'abricots ; c'était un bonheur tout de même ; j'ai grignoté par ci par là une figue , ou une mure , pas mure ... Récolter , ensuite , les graines de pieds-d'alouette - tâche importante si je ne veux pas qu'ils se ressément trop dans mon potager à la terre fertile , l'année prochaine ..
Et je me réveille , dans l'instant ( trop tôt ! J'ai dit que j'allais aider la garde pour le prélèvement d'urine aux fins d'analyse , mais je partirai seulement vers cinq heures et demie . ) , avec un immense rejet du corps - pas seulement du corps de ma maman : de tous les corps .
Mais avec le sentiment réconfortant que Quelque Chose est en train de pousser cette personne , qui écrit là , à grandir ; à aller vers l'Essentiel ... Shankara , comment il disait déjà ? le corps .. rien d'autre qu'un paquet de viande ? Certes , il parlait , à l'intention des apprentis sannyasins encore éperdus de désir devant les jolis corps des jeunes filles - mais c'est valable pour tous les corps .. Vénère l'Essentiel , imbécile ! Quand viendra le moment de la mort , toutes tes régles de grammaire ne te seront d'aucun secours .. ( je cite de mémoire )
Je recherche dans ce blog le texte de Bhaja Govindam , je l'ai pourtant travaillé cet hiver ; comment ? Je ne trouve aucune traduction française ? Et aucune sur Google ? Bon , je vous mets déjà la traduction anglaise , le reste demain , je dois bien l'avoir quelque part ...