C'était le titre d'une chanson , bouleversante également , une chanson qui fait pleurer , de Patti Smith . Je vous la chercherai...
Je me suis réveillée , justement , quasi pleurante . Avec l'impression que " le départ était proche " . La journée d'hier , pourtant , était magnifique ; Phil est allé voir son cardiologue qui n'a rien déclaré d'inquiétant , puis , pour fêter ça , on a fait une balade à Fontvieille , on a mangé au soleil du printemps , en sirotant un Costière de Nîmes , un bon rouge qui devait bien faire ses treize degrés cinq , ouh là ! ... Puis on a continué vers Les Baux pour aller voir la Cathédrale d'images : cette année ils passent un montage sur Chagall complétement dingue , merveilleux , sublimement onirique et coloré .. que j'ai déjà envie d'aller revoir . Pour mettre mon état d'émerveillement au maximum , il y avait également un petit film inspiré par Alice au Pays des Merveilles ...
Donc , je me réveille au bord des larmes ; après un rêve dans lequel je constatais que le départ d'un voyage , que je devais faire avec une copine , était imminent , quelques jours à peine . Fantasme ( à cause de Pâques , proche ) ? prescience ? - et quel départ , surtout ? La mort du corps physique , celle à venir , de celui de Philippe ou du mien ( vingt kilos de trop et tu ne te mets toujours pas au régime ! ) se rapproche forcément . Certes , si c'est moi qui part en premier , je n'ai pas à m'inquiéter ; en outre , je ressens , actuellement , mon corps comme solide et fonctionnant bien . Mais si c'est Philippe , je vais me retrouver avec un déménagement pas trop guilleret sur les bras - tant de meubles , tant de vaisselle - , ce qui m'angoisse et me met en colère de temps à autre ; comme si ça devait m'arriver dans l'instant - stupidité de la pensée qui anticipe , comme si j'allais devoir faire ça dans l'instant présent .
Une certitude bien ancrée de mon père , certitude qu'il m'a insufflée comme un héritage , quand j'avais une trentaine d'années , c'était que " une maison , c'est la sécurité " . On est en train de vendre la dernière maison qui a hébergé maman ... celles de mes parents , la tant-aimée des vacances , et celle de Nice qui les hébergeait pendant l'année scolaire , ont été vendues , l'une , après l'autre .
J'ai été voir Maria dans sa maison de retraite , avant-hier ; Maria que je ne pourrai jamais séparer de son amour pour son jardin et sa maison , dans sa belle pièce jaune ; toute menue maintenant , dans le grand fauteuil dont elle ne se lève probablement plus guère , elle m'a peut-être reconnue - mais je n'en suis pas du tout certaine , a peut-être reconnu Hermione - mais je n'en suis pas du tout certaine . Elle a manifesté par ses sourires lumineux qu'elle appréciait de nous voir , pourtant , a tapoté , tripoté la tête de ma chienne , qui , elle , la reconnaissait , et s'attendait à ce que Maria lui offre , comme d'habitude , de ces biscuits légers qu'on appelle des boudoirs ... ça ne m'a pas remonté le moral , qui était déjà dans les chaussettes à la perspective d'aller la voir . Pourtant , il fallait que je le fasse , et j'y retournerai ( avec des boudoirs !) .
Que faire ? Déjà , prendre conscience avec force que , dans l'instant , c'est juste des pensées . Juste des pensées - morceaux de pensées , angoisses , tristesses , souvenirs , rancunes , qui se malaxent et tourbillonnent dans cette soupe de pensées que j'appelle " moi " . Quand le moment sera là - ouh ! le plus tard possible ! - qui sait ce qui aura changé ...
Oui , finalement , c'est juste ça qui suffit , et suffit à m' apaiser , et c'est ça l'ancre , véritablement : juste prendre conscience que tout ça , c'est seulement des pensées qui tourbillonnent . En " moi " , quoi que ce soit que ce terme veuille dire . Mais Nom de Dieu , je me demande bien ce qui reste ...
( Il reste que dans l'instant , t'as intérêt à te magner si tu veux prendre une douche et partir ensuite faire du yoga ... )