Un grand moment de notre petit voyage aura été la visite de la grotte de Lascaux . Maiiiiiiis ouiiiii , je le sais , c'est une copiiiiiie ! Et pourtant , parfaitement , j'assume : c'était un grand moment .
On avait dormi dans un hôtel tout à côté , par hasard toujours . Le Philippe , tout en ricanant à mon adresse que " c'était du toc " , trouvait que c'était bête de ne pas revisiter la grotte - on l'avait déjà vue il y a quelques années ( pour une fois , on se souvenait du nom de Lascaux .. ) . Moi , j'étais un peu tiède .. Une visite guidée , c'est obligé ; avec une bonne dizaine de gamins plus ou moins intéressés , c'était obligé aussi ( en général , je déteste les chiards - ça grouille , ça chuchote , ça rigole , ça me gêne .. )
Bon . On a descendu quelques marches , on s'est trouvés dans le noir ; j'y voyais que dalle et je tatonnais pour m'appuyer au mur ( de la grotte ? de la structure de résine ? ) . En une nanoseconde , j'ai régressé - à la vitesse de la lumière . Soixante ans , rétrécis , instantanément , ont enfin rejoint la naïveté de mes sept ans émerveillés ... Le guide , ce chérubin , avait raté une vocation d'instit - il s'adressait d'abord et avant tout aux gosses , commençait tous ses commentaires par : " Et alors , les enfants ... " - et moi , j'étais une gamine , parmi les gamins , qui s'étaient tus pour l'écouter , j'avais presque envie de répondre à ses questions un peu bébêtes ... j'avais oublié que la grotte c'était du toc , ou peu m'importait ; j'étais entrée - dans la cathédrale , dans le cristal , dans le palais magique . Au plafond , sur les parois , l'enchevêtrement d'une infinité de ces immenses dessins comme au pastel , ocres et ocres rouges ou noirs , ou gravés , chevaux , taureaux , cerfs aux nobles ramures , tout un monde oublié qui s'éveillait , Narnia ou le Paradis Terrestre ...
Alors , oui , c'est une copie - mais - la beauté était là . J'imaginais l'amour de tous les gens qui ont oeuvré pour copier ( parce que moi , qui ait peint suffisamment de grands formats dans ma jeunesse , je trouverais ça pas trop difficile de dessiner directement un cheval avec une anatomie à peu près correcte sur une paroi courbe . Mais , grands Dieux , copier , et copier avec un précision au centimètre près ... ça , chapeau ! ) . Tout l'amour qu'il a fallu mettre en jeu pour produire cette copie , tous les gens qui ont coopéré , tout le travail minutieux , de repérage , de réflexion , de calculs , de prévisions , de moulages - et pour finir , pour les fresquistes , l'effort de dessiner , de peindre avec les même moyens que leurs ancêtres ...
La beauté absolue . Vous me faites rigoler avec votre comparaison avec la Chapelle Sixtine ( je n'aime pas Michel-Ange , trop théâtral ) . Je suis certaine que les peintres qui faisaient ça il y a dix -huit mille ans accomplissaient là un acte sacré , dans cette espèce de transe méditative , commune à la plupart des artistes . J'étais là à regarder , et je pouvais communier avec les copistes contemporains ; et eux pouvaient communier , j'en suis sure sure sure , avec les hommes ou les femmes de Cromagnon qui ont peint ça il y a si longtemps . Peu m'importait que ça soit une réplique ; la magie me tenait par la main .
Alors ... Oui , du toc . En cherchant des photos sur Google pour illustrer cet article , j'ai vu que certaines personnes n'avaient aucunement goûté la visite , se plaignant de l'affluence , et du fait que c'était une copie . J'ai vécu un moment magique ; je vous ai raconté mon monde de ce matin là . ( On y était arrivés à la toute première visite , prévoyant .. le pire ) . La " vraie" grotte , la copie ? Je me suis rendu compte que certains petits chevaux ressemblaient si terriblement aux peintures de l'époque des Tang . Ou des Han , je ne sais plus , en tout cas en Chine . Fugitivement , je me suis dit que si on nous avait présenté une copie trafiquée des vraies peintures , qui le saurait ? pas moi , en tout cas .
Je reviens à ce que disait - Arthur Osborne , je crois ( de l'ashram de Ramana Maharshi ) : pour les Occidentaux , la Réalité est ce que nous présentent nos sens ; pour les Indiens , tout ce qui est passager ne peut être Réel . La Réalité ... je ne sais pas ce que c'est . Je peux , vous pouvez , seulement , décrire mon monde ...