De mon unique visite précédente ( hum , il y a bien quinze ans ... ) j'avais gardé un souvenir peu enthousiasmant de Madrid . Une ville noirâtre , hyperbruyante , et puis faisait chaud ... Bien sur , il y avait le Prado , les Greco , les Velazquez , et surtout les Goya ... Mouuuuaiiiiiiis . Faire mille kilométres pour ça .. l'aiguille de la balance ne penchait pas vraiment de l'autre côté .
Mais , comme je l'ai dit , on a choisi l'Espagne à cause d'une météo très directive , qui annonçait des orages sur la Suisse ( ah ! revoir la fondation Paul Klee à Berne .. ) en Alsace ( hé ! Grunewald à Colmar ! ) ; quand à Amsterdam et aux Van Gogh , c'était pluie sur pluie sur pluie , pour la semaine .. Bon , donc , va pour Madrid .
On y est arrivés un Dimanche après-midi : il y avait peu de circulation , déjà ; puis , par une chance extraordinaire , l'emberlificotement des bretelles d'autoroutes s'est dénoué , spécialement pour nous ; et la Shakti nous a conduits à un parking situé pile poil à cinquante mètres de l'hôtel , réservé à l'avance ; et de la Plaza Mayor , en outre .
On pose nos affaires , on se rafraîchit , puis on ressort . Premiere série de pas prudents : vers l'Ouest . Il y avait foule : une gigantesque manifestation religieuse , hauts parleurs diffusant des cantiques , flics et dévots , bonnes soeurs et curés divers , ceignant d'une barrière infranchissable la cathédrale . Bon nombre de petites dames habillées et coiffées toutes sur le même modèle ,genre Bernadette Chirac , se dirigeant pieusement à petit pas vers les festivités ; scouts adultes aux mollets velus , leurs étendards à la main , entourant des puzzles géants de fleurs célébrant Jésus-Christ ... Euh . On repart .
Deuxième série de pas prudents : dans la direction opposée , vers l'Est et la Puerta del Sol . Il y avait foule : une gigantesque manifestation de supporters de football . Des hauts-parleurs diffusant une musique métal à fond les basses , des flics , des passionnés agitant des écharpes bicolores ou tricolores ( me souviens plus ! ) en clamant des slogans , pour faire fête à leurs champions qui venaient de gagner la coupe de je ne sais quoi ( d'Europe , je crois bien ) et allaient être reçus par les officiels ... Euh . On repart .
Troisième série de pas prudents : vers la Plaza Mayor ... à force de partir et de repartir , c'est qu' il commençait à se faire tard ; il était l'heure de manger, pour nous en France, qui est l'heure de l'apéritif pour les espagnols . Bon . Sur la Plaza Mayor , les touristes et les madrilènes sirotaient leurs apéritifs .. Tiens donc : c'est quoi ces grands verres ? de la sangria . C'est bon ça la sangria .. et puis , c'est coupé d'eau minérale gazeuse et de fruits , ça ne porte pas à conséquence .. Enfin ; pas vraiment . On se pose , nous aussi sirotons de concert en admirant les facades de la Plaza ; au bout de mon premier demi-litre de sangria , j'optimise sacrément . Sur la place , un être déguisé en Grand Bouc des gravures de Goya , mais en nettement plus gai , coloré et festif , gigote , agite une langue démesurée , saute pour effrayer les touristes en clapant de la mâchoire et me fait rire . En plus , surprise ! l'apéritif n'est vraiment pas cher ...
Quatrième série de pas prudents - mais un peu hagards en ce qui me concerne ( pas si innocente que ça , la sangria , finalement ) : on cherche un restau . Ah , là ... l'avantage de ces terrasses en plein air , c'est qu'on voit , en passant et en se penchant légèrement pour inspecter leurs assiettes , ce que les gens mangent : restau après restau , les frites mal cuites , des calamars à la Romaine dont la panure trop claire laisse présager l'intérieur élastique et visqueux , les malheureuses crevettes qui se souviennent avec regret de leur Thaïlande natale ... le tout , bien sur , noyé sous des flots d'onctueuse mayonnaise ( comme la veille . ) Mon estomac se crispe rien qu'à voir ça , rien qu'à voir aussi les photos des plats ,affichées devant l'entrée ; mon moral redescend à nouveau dans mes talons . Pourtant , la mayonnaise , j'aime bien ça en général . Les serveurs , peu psychologues , font l'article et tentent de nous attirer ... c'est mal connaître deux touristes paranos .
Las de marcher , on finit par trouver un coin tranquille ,avec un serveur discret et sympa ; on grignote , pour deux fois moins cher qu'en France , des tapas diverses arrosées de bière ( dos cervezas , por favor ! j'arrive presque à prendre le bon accent quand je suis motivée ... ) . L'avantage quand on vous sert un assortiment de tapas , c'est qu'on peut laisser tout ce qui est vraiment ignoble ... Là , c'était pas vraiment veg ( accablée , j'avais laissé de l'autre côté de la frontière mes tendances végétariennes ) mais assez correct - et surtout , il n'y avait pas de fruits de mer . Mais , malheur ! sangria plus bière - quelle sacrée migraine le lendemain matin !