Quelle déception ! L'appareil photo est vide !
De retour de balade , je me rends compte que , des dizaines de photos de Conques ( parce que les arbres n'étaient pas encore en feuille là bas et que , du coup , on avait une meilleure vue sur la face Sud de l'abbatiale ; parce que , chaque fois qu'on y va , je découvre une nouveau détail du tympan qui m'enchante - là c'était les quatre anges , disposés en carré , qui flottent sur les nuées , et puis le regard jaloux du démon qui s'apprête pourtant à fourguer sa pelletée de damnés dans la gueule du Léviathan , et qui lorgne l'ange escortant les élus ... ; parce que , de la fenêtre de la chambre d'hôtel , du lit même , en me penchant un peu , je voyais la silhouette des deux tours , amies vigiles de ma mauvaise nuit là bas ) , des dizaines de photos du printemps vibrant et enchanteur dans la vallée du Lot scintillant et rapide , des dizaines de photos des petites jonquilles qui poussent , basses mais résolues , par milliers , sur les prairies les plus hautes , dont l'herbe est encore rude et hivernale , puis jonchent de leurs douces petites corolles lumineuses , couleur de citron ,les talus des hêtraies dans l'Aubrac ...
De tout ça - il ne me reste plus rien . Rien , rien , rien ... aucune image ...
Mais quelle déception ...
J'avais beaucoup tripoté l'appareil photo pour arriver à prendre des photos des fleurs - de près , puis de loin , puis encore de près ... couchée dans l'herbe , à l'étonnement d'Hermione . Je suppose que dans ma maladresse , dans ma stupidité et mon énervement imbécile face à tout ce qui ressemble à la moindre difficulté technique : j'ai tout effacé .
Mais quelle déception !
Il me reste tout ce que j'ai vu de merveilleux . Mais je trouve les mots bien secs et insuffisants pour le transmettre .
Il me reste le souvenir de notre visite aux amis des Landes , le souvenir de l'amour chaleureux qui régne dans leur maison , au sein de leur famille plus que nombreuse , animaux , plantes , et humains , de leur accueil incroyablement amical ...
Il me reste le souvenir de cette nuit difficile à Conques ; où je me sentais , pourtant , accompagnée amicalement , veillée et soutenue par les deux tours de l'abbatiale ; où , tout en me laissant prendre aux détours du récit , par Sally Kempton , de la triste vie de Sîta , la femme de Rama dans la mythologie indoue , le malaise suscité par ma dernière visite à une amie commune m'a travaillée ; jusqu'à ce que , de tout mon être , je comprenne que la seule issue , et joyeuse , et heureuse , et source de force , était au profond du cœur .
Mais on dirait que cette compréhension n'a pas duré . En tout cas , je suis , désespérément , de retour à la surface ; et je vais vous dire : mais quelle déception !