la statue de Ganesh près de Laxman Jhula . Le gardien a fait un petit aarti rien que pour moi ... et m'a noué au poignet droit un cordon jaune et rouge , un de plus ; il tient toujours !
Il a bien fallu partir ... J'avais , au début de mon séjour , prévenu le réceptionniste de l'hôtel que je devais , le Lundi , partir à 4 heures et demie du matin , à temps pour attraper le train de 6 heures ( et des poussières ) ; et lui avais demandé de me réserver un taxi . La veille de mon départ , j'avais confirmé - le réceptionniste avait été remplacé par un qui semblait son cousin , jeune homme tout aussi moderne et élégant . Aucun problème , le taxi m'attendrait à l'heure dite ; devant le Sivananda Hospital , où l'on m'avait déposée à mon arrivée , sur la petite route qui surplombe l'ashram Sivananda , et dont me séparaient juste une petite cinquantaine de marches d'escalier . J'aurais préféré que le taxi m'attende plutôt sur la route en contrebas , car j'avais , depuis mon faux pas dans ce nid de poule , une douleur dans le bas du dos , et monter jusqu'à la route ma valise , alourdie par de nombreux achats à Rishikesh - disques et bouquins , une petite statue de Ganesh qui semblait peser une tonne , écharpes et tuniques , etc ... , me semblait pénible . Ca n'était pas possible , apparemment . J'avais donc demandé si quelqu'un de l'hôtel pourrait m'aider , même à cette heure matinale . Pas de problème , là non plus ! Bon , tout allait bien ! j'avais réglé le taxi à l'avance , préparé un pourboire pour la personne qui m'aiderait ,je n'avais donc plus à m'inquiéter de marchander .
Le Lundi matin ,donc , bien avant l'aube , craignant de louper le train - à cette heure matinale , les embouteillages ne seraient sans doute plus à craindre , donc je pouvais compter sur un trajet moins long qu'à l'aller - je mets le réveil à 4 heures . Valise bouclée , j'attends l'employé de l'hôtel qui devait m'aider à monter ma valise . J'attends , j'attends , j'attends ..
Personne . Je sors dans le couloir - tout était sombre . Pas de veilleur de nuit ; personne à la réception ; personne dans le quartier des employés quand je toque à leur porte . J'essaie d'appeler ...Rien .
Je ne voulais pas réveiller les autres clients ... Maudissant le personnel de l'hôtel , et spécialement le réceptionniste du Dimanche que je soupçonnais d'être responsable , jusqu'à la septième génération , je hisse péniblement ma valise , marche par marche - avec mal à la hanche ou à la fesse , c'était pas localisé mais douloureux - à travers l'ashram Sivananda , jusqu'à la petite route mal éclairée où devait m'attendre le taxi ...
Pas de taxi .
Pas de taxi ; pas de taxi cinq minutes plus tard ; ni dix , ni vingt ... cinq heures moins dix du matin , et le temps s'écoule , et le train ne va pas m'attendre ...
Il passait quelques rares voitures , à cette heure matinale . Mais : pas de taxi .
Faisant rouler ma valise , je suis descendue , sacrément angoissée , jusqu'au parking des rickshaws un peu plus bas ; espérant trouver un autre taxi , j'en avais vu dans la journée ...
Pas de taxis . Pas de conducteurs .
Personne ; que des véhicules endormis .
Juste : un rickshaw ... bien réveillé , lui . Je lui explique mon problème en petit nègre hindi ... ( I paid for a taxi - no taxi ! ) Ah ben , lui , il veut bien me mener jusqu'à Haridwar . En rickshaw ? mais ça n'est guère possible , on ne va pas à Haridwar en rickshaw , c'est beaucoup trop loin , et puis les rickshaw ne peuvent pas rouler aussi vite qu'une voiture ...
Non , pas de problème ! Mais là c'est vrai : pour cinq cent roupies , ce gars énergique est partant pour me mener à la gare de Haridwar ... Je lui demande combien de temps ça va prendre - il me dit , une heure ...
Une heure , j'aurai peut-être mon train ... mais peut-être pas ...
J'ai déjà payé 1200 roupies à la réception pour ce foutu taxi qui n'est pas venu ( ou n'a pas été prévenu ) . Je n'ai rien à perdre ... Si je rate le train , je ne me rappelle plus s'il y a bien un train le soir pour Delhi ; en tout cas , l' avion pour Paris ne m'attendra pas non plus le lendemain matin ... Dernière chance ! Allez , hop ! en route ..
Et voilà comme je me suis retrouvée à rouler , à tombeau ouvert dans la nuit noire , dans ce rickshaw qui sautait comme un cabri cinglé sur la route bourrée de nids de poules gros comme des nids d'autruche , à une vitesse qu'aucun rickshaw ne devrait atteindre ... à tout moment , je me disais qu'il allait casser ses amortisseurs , ou faire éclater un pneu dans la descente ... Il faisait froid , j'avais les doigts gelés à force de me cramponner aux barres d'appui ; ma valise et moi faisions des bonds de vingt centimètres - et je me suis rendu compte tout à coup que je n'avais même pas mal au dos , ni à la hanche , ni à la fesse , ni à quoi que ce soit ... Et tout ce temps je priais le ciel , ou plutôt tous les Dieux de l'Inde et Neem Karoli Baba par dessus le marché , d'arriver à temps - tout en me disant que : si je rate le train .. je ferai avec .
On est arrivés avec un quart d'heure d'avance à la gare . J'ai donné trois cent roupies de pourboire au chauffeur , qui n'en revenait pas de joie ... Il nous a confiées , ma valise et moi , à un porteur assermenté et plein d'énergie ...
Et voilà comment j'ai attrapé mon train . Qui , lui , était complétement décati , un bon vieux train indien modèle classique comme on les connaît , avec les sièges qui ne tiennent pas droit , les tablettes branlantes et les vitres crades ; et qui , pour le même prix qu'à l'aller , n'offrait ni thé , ni biscuit , ni repas chaud , ni même la bouteille d'eau ... j'ai crevé de soif presque jusqu'à Delhi , n'ayant plus de monnaie ; le vendeur refusait de me changer mon billet pour que je puisse acheter une bouteille d'eau !
Mais qu'importait ! J'étais dans le train ...
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