Je me reproche un peu de m'être moquée de ma voisine . Laquelle a terriblement souffert dans son enfance ; si bien que je peux tout à fait comprendre une raison pour laquelle elle n'est plus jamais retournée voir Maria , parce que leur dispute a du lui rappeler cette très grave blessure d'autrefois . Or , se moquer de quelqu'un ( mais , Dieu merci , elle ne lit pas ce blog ) , ça crée de la souffrance pour la personne . Mais , tout de même , rigoler ça m'a fait du bien ...
Outre que , cette voisine aussi m'a offert le thé chez elle , elle m'a souvent donné des boutures et des graines ... Hélas ... La pauvre , elle est restée ( probablement à cause de cette blessure d'enfance ) un peu affectée , manque de spontanéité et de naturel - et le naturel , la spontanéité , sont des choses que j'apprécie tellement , moi aussi - , tout comme le faisait la grand-mère de Proust , vous vous souvenez ?
" Mais ma grand'mère , elle , par tous les temps , même quand la pluie faisait rage et que Françoise avait précipitamment rentré les précieux fauteuils d'osier de peur qu'ils ne fussent mouillés , on la voyait dans le jardin vide et fouetté par l'averse , relevant ses mèches désordonnées et grises pour que son front s'imbibât mieux de la salubrité du vent et de la pluie . Elle disait : " enfin , on respire ! " et parcourait les allées détrempées - trop symétriquement alignées à son gré par le nouveau jardinier dépourvu du sentiment de la nature et auquel mon père avait demandé depuis le matin si le temps s'arrangerait - de son petit pas enthousiaste et saccadé , réglé sur les mouvements divers qu'excitaient dans son âme l'ivresse de l'orage , la puissance de l'hygiène , la stupidité de mon éducation et la symétrie des jardins , plutôt que sur le désir , inconnu d'elle , d'éviter à sa jupe prune les taches de boue sous lesquelles elle disparaissait jusqu'à une hauteur qui était toujours pour sa femme de chambre un désespoir et un problème . "
( Je me rends compte que ça n'est pas la bonne citation , puisqu'elle ne concerne que le naturel dans les jardins . Ca doit se trouver au début des jeunes filles en fleur , quand la grand-mère offre à Saint-Loup un volume de Proudhon ; ce matin , je n'ai pas le temps de rechercher la bonne citation , vous devrez me croire sur parole ! D'ailleurs , mon jardin , lui , trop soumis à l'esthétique , manquerait beaucoup trop de naturel si les mauvaises herbes n'y remédiaient charitablement !!!! )