Quelques jours normands , dans la grande maison à colombages au milieu des pommiers et de l'herbe luxuriante hyper verte , une famille avec trois enfants qui se déplient , tels des diables gais et bruyants enfin libérés de leur boite à sardines parisienne . Merveilleux , vraiment merveilleux ... Petit à petit , la maison , en ruine quand ils l'ont achetée , devient presque confortable , et je suis heureuse qu'ils s'y sentent bien . Ils s'y déconditionnent de l'éducation à l'ordre et à la propreté qui vont de pair avec leur vie en ville . Mais , miséricorde ! En ce qui me concerne , quel bonheur de retourner à la solitude !
M'en resteront : le bonheur de préparer , puis d'allumer le feu au petit matin , dans les deux pièces du bas , me sentant utile ( la maison n'est chauffée que par une grande cheminée et un poêle ) . Hermione et moi sommes seules éveillées ; en allant chercher dehors le petit bois que j'ai préparé la veille , j'entends le hibou . Les carreaux de terre rose , irréguliers et rugueux , sont encore tièdes aux pieds nus . Les fenêtres à l'Est ouvrent sur les prés , l'aube arrive en douceur , puis le soleil rose dans la brume - trop vite , trop vite ! à mon goût .
Deux balades dans la forêt , par les chemins creux , avec les aînés , garçon et fille . Ils marchent d'un bon pas, avec des cris et des chansons . " C'est Koh-Lanta ! " . Je n'ai jamais regardé l'émission , mais ça semble leur donner confiance et enthousiasme pour suivre des chemins inconnus , traverser un ruisseau à gué ( ah ! le bonheur de porter des bottes de caoutchouc ! ) , escalader de hauts talus couverts de ronces quand des arbres tombés ont rendu le chemin impraticable , franchir des passages exquisément boueux ou , levant les bras pour ne pas se piquer , une sente étroite dans les orties , qui arrivent à l'épaule de la petitoune ...
Pour moi , le plaisir de ramasser les pommes : trempées dans l'herbe trempée et froide , les jaunes à peau plus épaisse , les roses , veinées de rouge , miroitantes comme des joyaux . Nos enfants de la ville les dédaignent , ne les trouvant pas sucrées ; je me réjouis d'en faire des compotes et ne peux assez remercier les vieux pommiers .
La beauté des petites églises aux clochers couverts d'écaille , des prés verts , des maisons à colombage harmonieuses éparses dans le bocage .
La cathédrale de Bayeux , à l'architecture extérieure si gaie et aérienne , presque frivole dans sa démonstration de gothique tardif hyper découpé et redondant - et en même temps , si accueillante à l'intérieur ... qu'elle m'a donné envie d'être catholique moi aussi . Quand à la tapisserie , c'est toujours un bonheur de la revoir . La naïveté , le parti-pris de la représentation simple et efficace , sans arrière-pensée ; les brodeuses de l'époque ont fait de leur mieux et c'est une merveille .
Allez , c'est dit ! Dans ma prochaine vie , je déménage là-bas ...