Rêve : je dois expliquer ,en anglais , à deux esclaves dont l'une métisse , la façon de faire cuire un homard . C'est difficile mais j'essaie de faire ça de mon mieux . Le homard est vivant , une ou deux de ses pinces sont immobilisées par du scotch ( j'ai vu ça sur des images ) mais il se débrouille pour pincer douloureusement le bras mince de la métisse .
Eh bien , si je me mets à raconter mes rêves dans ce blog , ça va bientôt ressembler au Journal des rêves d'Abeille Loinvoyant ! ( je suis en train de lire avidement le dernier tome paru de Robin Hobbs ) . Le homard du rêve est vivant ; et bien sur , dans la réalité je ne fais jamais ça , je ne vois pas pourquoi j'infligerais à cet animal une souffrance qui doit être abominable : moi , je détesterais être jetée dans une casserole d'eau bouillante , ça doit faire très mal ...
Hier , j'ai passé la journée à Avignon . Mon amie était toujours fatiguée , un peu moins que la dernière fois ; j'avais apporté du poisson ( il y a un bon poissonnier au marché d'Anduze ) que j'ai fait cuire pour nous deux . Elle , d'ordinaire tout amour et patience quand elle parle de ses petits enfants , semblait être plus qu'agacée du comportement de l'une de ses petites filles , déjà bien adulte , qui gère fort mal sa vie pour l'instant . Je lui faisais remarquer qu'une personne évolue , que ça prend du temps , qu'on ne peut juger de la vie de cette jeune femme pour l'instant . En discutant plus loin , nous avons compris l'une et l'autre que ce que mon amie trouve déplaisant , c'est que la jeune femme rend toujours l'univers responsable de tout ce qui lui arrive et qu'elle ne peut supporter . Et , pour une fois , j'ai rendu grâce à ma propre mère , qui me rabrouait péniblement mais m'a bien éduquée , là ( ne dis pas que c'est mauvais , dis que toi , tu ne l'aimes pas ) .
Ensuite , je suis rentrée ( déjà un peu tard , j'ai fait la dernière partie de la route de nuit , je déteste ça ) ; en arrivant , l'accueil d'Hermione était délirant d'affection , comme d'habitude ; celui de Philippe plus distant - comme d'habitude . La radio était en train de pérorer bruyamment ... ce que je trouvais très agressif . La table de la cuisine était jonchée de tiges de persil démesurées en train de se faner . Tout en recoupant les tiges et en les dressant dans un verre d'eau , j'ai reproché à Philippe d'en avoir pris au marché ( mais en y réfléchissant , ce qui me heurtait vraiment , c'est qu'il les laissait se faner ) . Il était blessé et furieux ; nous avons eu une petite explication . Je suis coutumière du fait : quand je rentre fatiguée , je lui reproche tout ce qui me heurte ; lui , se renferme , ne me demande jamais comment je vais . Nous redevenons , ensuite , plus chaleureux l'un envers l'autre . Ah , je commence à comprendre qui est , quelle partie de lui , de moi , est symbolisée par ce malheureux homard dans sa carapace , destiné à être brûlé vif . Les deux esclaves sont dressées pour le considérer comme un simple matériau de cuisine , pas comme un être vivant . Et moi dans le rêve , qui m'acquitte de mon " devoir " sans protester ... Comme on a dressé autrefois , dans l'enfance , aussi bien mon cher et tendre que moi-même à ne pas manifester nos sentiments ... Allez , de toutes façons , nous ne mangerons ni homard ni foie gras pour Noël .
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Eh bien , me voilà lavée du rêve , et de ce qu'il me disait , le cœur léger ... je peux accueillir avec chaleur mon compagnon qui se réveille , je peux maintenant repenser tranquillement , joyeusement , à la beauté du trajet en voiture jusqu'à Avignon hier matin . Il pleuvotait , mais à peine , et le gris du ciel couvert faisait chanter les couleurs . Le paysage change et ondule sans cesse . Tout au long, les vignes ; certaines encore avec leurs feuilles , couleur d'abricot clair , chaud et délicat ; et quand les feuilles sont tombées , c'est beau encore : les ceps et les branches gris violacé , clair ou exquisément sombre , en rangées bien régulières sur la terre brune ; le champ d'à côté est en pente autrement , il est strié dans l'autre sens ; le suivant , autrement encore ... Et jusqu'à Collias , les chênes , de plus en plus dorés , moussent encore au flanc des collines .
En arrivant vers Uzès , on voit plus d' oliviers , aussi quelques champs d'asperges bas , aux plumets vaporeux , hésitant entre le vert anis et le jaune . Bordant la grand-route , les immenses platanes , troncs blancs laiteux , feuilles carmin sombre .... Puis , au moment où l'on quitte la plaine pour plonger sur le Rhône , l'or et l'argent des peupliers . Enfin on arrive au fleuve : Hier matin , il était d'un vert froid , presque bleuâtre par endroits ... Quelle merveille , l'automne !