Je vous ai dit que je me réjouissais de " faire la crèche " . J'ai adopté , à la mort de maman , les santons familiaux ( mes sœurs ayant élaboré  leurs propres créches depuis belle lurette et la naissance de leurs enfants à elles !) , en en acquérant un nouveau chaque année . Puis ,  cette année , j'ai utilisé toute la table de la cuisine du bas : c'est la première fois depuis soixante ans que je me donne l'autorisation de participer pleinement à ce qui me régale , en tant que jeu artistique . Le résultat  n'est pas génial - en tout cas , je trouve  ,pas autant que la crèche de mon amie Claudette , qui est un tout petit paysage délicieux ,  émaillé de santons minuscules .

         Le plaisir de la crèche est régressif et rassurant ,  comme toute cette période de Noël . Hier après-midi ,  je jardinais ,  par temps exquis , sous une lumière douce  qui me rappelait l'enfance .  Je me souvenais de la lumière aussi exquise  qu'il y avait ,  à cette époque , quand nous partions , avec maman ,  tata Lili et marraine , pour aller voir la crèche chez une amie de ma tante . On prenait le train , de Nice à Cros-de Cagnes  ,par belle après-midi ; on descendait je ne sais où ,  on marchait quelques kilométres sur une toute petite route bordée  de cannes de Provence à main droite , de maisons à gauche .  On sonnait à la porte d'une villa , l'amie de tata nous ouvrait chaleureusement sa porte  - je crois qu'elle s'appelait Mademoiselle Gleizes . Dans une pièce un peu sombre ,  se déployait un univers entier ,  une crèche qui me paraissait immense : des centaines de santons , des collines , des rivières , des chemins , des arbres , des villages et des trains ...

            Et puis , hier , j'ai reçu une photo de la crèche que fait mon amie allemande . Pas de santons d'argile , mais des figurines de bois ... une  crèche minimale . Pourtant ,  en la regardant , on ressent qu'elle a mis en scène l'émerveillement  de la Lumière qui apparaît  . La crèche de ma copine est mystique ...  Du coup , je regarde la crèche que j'ai réalisée : j'ai mis en scène un conte ...   à peu près aussi  "spirituel " qu'un paysage de Brueghel , quelle que soit la religiosité du sujet .  Pas étonnant que mon anticlérical de compagnon ait apprécié d' y coopérer ( au point de m'avoir offert , cette année , un ravissant pont pour la " rivière " en papier d'argent .... ) ! Faut dire , mes personnages préférés sont l'âne et le boeuf ... Le Ravi , aussi .

         Bon , il suffira peut-être d'une petite lumière pour symboliser la Lumière qui apparaît ... Celle qui est présente , toujours , dans un petit coin de mon être , du vôtre ... qu'on soit chrétien ou non , athée ou non ... La Lumière de la conscience , la Lumière de la non-identification ...