Me voilà , ce matin , toute endolorie , avec deux splendides bleus de chaque côté de la jambe ... plus , l'épaule droite douloureuse - mais ça c'est souvent .
Je vous explique : j'avais reçu , d'un groupe de yoga que je ne connaissais pas , une invitation pour une matinée à Nîmes . Le thème ( Bhâvanâ ) me parlait énormément ; ou plutôt , la façon dont ce thème était présenté me parlait énormément . Hier matin , donc , je me suis levée aux aurores et suis partie vers la ville ...
Je craignais un peu les embouteillages : mais il n'y avait presque pas de circulation , et je suis arrivée en avance dans un lieu très joli ( La courte échelle ) . L'animateur , un grand type avec des yeux très noirs , avait l'air sympa ; le petit groupe de participants , pour la plupart ses élèves , sympa également . On s'installe - comme souvent , je suis étonnée , un tout petit peu agacée parce que les gens continuent à bavarder dans la salle - mon côté rigoriste , je le sais ! du coup , je m'installe tranquillement dans mon coin pour méditer . L'animateur explicite un peu le thème de la matinée , en parlant de spiritualité indienne . Incroyable , il a vraiment un don pour la parole ... Giono utilise quelquefois l'expression des yeux de feu ; mais dans le cas de Giono , il y a toujours la petite note ironique . Or , là , c'était vraiment un regard de feu , et enlevez l'ironie s'il vous plait , parce que ce gars là était bien plus qu'intéressant , il était : inspiré . Vraiment , vraiment , inspiré : ce qu'il disait , il le sentait , il le vivait , c'était , naturel , et pas limité à l'intellect .
Donc , une matinée passionnante , et j'en suis revenue enchantée ; ou presque . Parce que j'ai voulu , galvanisée par l'énergie solaire de ce gars , aller légèrement plus loin que mes limites ... Il y avait beaucoup de travail sur des rétentions de souffle , puis j'ai voulu garder mes mains dans la posture suggérée ( les deux bras dans le dos , la main gauche entoure le poignet droit ) un peu trop longtemps pour mon épaule droite , toujours douloureuse .
Et voilà que , l'après-midi , je n'arrivais plus à sortir de la sieste . Avec l'impression d'être épuisée , totalement , absolument . J'ai fini par me traîner hors du canapé , vers quatre heures , pour aller au jardin ; il faisait très chaud , et après avoir paresseusement commencé à arracher les mauvaises herbes au potager , puis installé les tuteurs pour les clématites , je me suis souvenue , en voyant toutes les branches mortes du plaqueminier , que je ne l'avais pas encore taillé . J'avais la flemme de remonter chercher l'escabeau , j'ai pris un fauteuil de jardin et je suis montée dessus pour tailler les branches les plus hautes . Ces fauteuils métalliques sont très lourds , mais solides , et je m'en sers souvent comme ersatz d'escabeau ... je suis donc en équilibre , le sécateur à la main , en train de lutter contre une branche trop épaisse - il faudrait que j'aille chercher l'égoïne ... Et tout à coup , voilà qu'une des lattes métalliques cède - mon pied droit et ma jambe droite s'enfoncent d'un coup - je suis déséquilibrée et m'écroule , le menton en avant , sur l'herbe ... Heureusement , le sol est mou ! Mais impossible de dégager ma jambe , coincée entre deux lattes métalliques dans une étreinte compliquée avec le fauteuil . J'appelle Philippe , qui est à l'intérieur de la maison - bien sur il n'entend pas , la maison est un peu loin , et puis il a bricolé toute la matinée et écoute France Musique à plein tube .. Je braille désespérément , toujours coincée sur le sol . Hermione m'entend , commence à gambader autour de moi , chouette un nouveau jeu ! ... Je continue à appeler au secours ... je n'arrive pas , malgré mes efforts , à me séparer de ce maudit fauteuil . Enfin , mon cher et tendre arrive - il m'entend crier , ça l'inquiète - mais ne me voit pas , vautrée que je suis dans l'herbe haute et toute emmêlée dans mon fauteuil ... enfin ,il m'aperçoit , et peut m'aider , en tirant énergiquement , à me dégager . Ouf ! je n'ai rien de cassé , mais ça fait mal ! Contrecoup de sa peur , Philippe plaisante ; contrecoup de ma peur , je suis furieuse contre lui . Bref ... je prends une dose d'Arnica , rentre me doucher , etc ...
Mais je fais un peu un lien entre la matinée , avec mon désir de dépasser un peu trop mes limites pour faire bonne impression , et cette chute . Remarque , c'est la latte du fauteuil qui s'est descellée tout un coup , ça n'est pas à cause d'une maladresse à moi . Elle aussi , elle avait atteint ses limites ... J'ai été dressée dés l'enfance à ne pas sentir mes limites ; il m'a fallu des années de thérapie et travail sur l'inconscient pour les découvrir ; et c'est peut être encore fragile ... A suivre ...
C'est drôle , parce que je viens de recevoir une proposition - que j'ai trouvée assez flatteuse , vu les artistes participants - d'une marque de bière , qui voudrait acheter les droits de cette peinture . Peinture qui parle justement ,pour moi , du désir désespéré de bien jouer son rôle dans l'arène , du désir de reconnaissance , du désir d'être accepté , pour réussir une performance en dépassant ses limites . Encore l'enfance qui resurgit ... Mais quel cirque !