Une fois de plus , l'ordinateur a du faire des mises à jour à n'en plus finir … Et la photo qui servait de " fond d'écran " ( c'était à Vrindavan , sur la Yamuna ) a disparu . Où ???? En attendant , j'ai cherché vite une autre image , parce que le fond d'écran proposé par Windows , d'un bleu électrique , pas déplaisant d'ailleurs , me faisait mal aux yeux de bon matin . Je ne pouvais , en le voyant , m'empêcher de récapituler tout ce que je devais absolument faire dans la journée , et c'est quelque chose qui vous casse le moral . Donc , j'ai choisi parmi les photos normandes …
Avant de partir , j'avais fantasmé , sans voir plus loin , sans considérer le temps assez réduit qu'on devait passer là bas ; fantasmé sur des grèves désertes , des calvaires de granit , l'odeur iodée , des promenades sur la plage … Ca n'a été possible qu'une fois : la maison de Thomas est loin de l'océan . Non , deux fois ! en comptant la balade à Etretat .
J'étais heureuse de revoir Etretat ; c'était sans compter sur l'accroissement de la population mondiale et du tourisme de masse en particulier . Plusieurs kilomètres avant la ville , des pancartes conseillaient de poser la voiture et de continuer à pied , à cause de l'affluence . On voyait de nombreux groupes marcher cahin-caha , sur d'étroits trottoirs de banlieue , longeant péniblement des villas aux petits jardins cossus , en direction de l'Ouest . Pourtant , j'étais tranquille , ou plutôt inconsciente : on était hors vacances scolaires , et pas en été . Donc , je ne voyais pas de raison qu'il y ait beaucoup de monde … Ha !
On arrive , au centre ville , on trouve par miracle une place pour garer la voiture . Une trentaine de jeunes asiatiques , japonais , ou chinois , ou coréens , sont regroupés à l'arrêt d'un bus , mangeant avec entrain de longs sandwiches d'où dépassent des feuilles de laitues mollassonnes . C'est le jour du marché … On doit ,pour accéder à la mer , fendre la foule ; beaucoup d'allemands d'un certain âge se bousculent avidement devant les étals de charcuterie made in Normandy ( hum , à leur place je me méfierais ) ou de Calvados itou . Leurs dames emplissent les boutiques de souvenirs bretons made in China , qui ont poussé comme des champignons depuis la dernière fois qu'on est allés à Etretat - il y a à peine quinze ans . Je remarque que les bols avec prénom , qu'on ne trouvait autrefois qu'à Quimper , font florès . Bah , Bretagne , Normandie , y'a que toi qui fais encore la différence , le tourisme c'est mondialisé maintenant ! Mais je sens que Philippe est nerveux : il déteste les endroits touristiques fréquentés ; il déteste les autres touristes , surtout groupés , à un point incroyable . Je lui propose de partir pour aller balader ailleurs , s'il veut . Il serre les dents , avec fierté et rancune , et nous voilà tous trois partis , pélerinant , à la suite d'une troupe de japonaises , toujours en direction de l'Ouest … ( pourquoi des japonaises ? là , je sais que c'est des japonaises : elles portent , comme dans les docus qu'on voit sur Tokyo , des minijupes mini mini , ou alors des kilts pas plus longs , on dirait qu'elles se sont déguisées en écolières lubriques afin d'assouvir les fantasmes salaces de vieillards sur le retour d'âge . Une tenue que je trouve peu adaptée pour randonner sur les falaises ; mais qu'est-ce que je sais de leurs fantasmes à elles , de ce qu'elles projettent sur la France , ces demoiselles ? )
Et voilà … Finalement , on est arrivés à la jetée ; c'était toujours aussi beau : il y avait de la brume , puis une éclaircie , puis de la brume , et ça recommence ; il y avait des mouettes , des chiens , des allemands , des asiatiques , des français , des voyageant en groupe , des familles , des vieux couples , des jeunes amoureux , des solitaires , des randonneurs , et d'autres … Je me souviendrai d'une japonaise en robe de dentelle rose mini mini et chaussures rouges pétard volumineuses et éclatantes , à très hauts talons , une volumineuse cape d'organza rose poudré flottant sur ses épaules . Il y avait des galets , des algues , des pancartes diverses avertissant de ne pas nourrir les mouettes , de faire attention aux cables pour remonter les bateaux , de faire attention à la marée , de ne pas ramasser de galets ( ! ) … On a mangé dans un restau où le patron avait l'air encombré par un ventre incroyable , qu'on imaginait fait de mauvaise graisse blanchâtre en bouée autour de la taille ; les serveurs étaient en surpoids aussi ; et nous , on a mangé du poisson assez bon , qui devait venir de Norvège , ou de Méditerranée , ou de Dieu sait quel élevage , mais qui n'avait certainement pas été pêché sur place .
Et j'ai pu prendre la photo à un moment où les touristes s'étaient un peu retirés , avec la visite suivante , avec la marée de deux heures … Je voudrais , bien certainement , revenir à Etretat après cinq heures du soir , ou avant six heures du matin , avec mes affaires d'aquarelle … et peut-être juste avec Hermione …