Lili , encore … m'a prêté un autre livre de Frédéric Lenoir, qui date de 2015 : " la puissance de la joie " . Allez , je tente à nouveau … celui-ci a l'air plus facile à comprendre .
J'ai , un chouïa, zappé les notices biographiques des trois auteurs qu'il nomme des " philosophes de la joie " *** - et dont , bien sur , je n'avais jamais lu le moindre mot , et n'ai nulle envie de lire le moindre mot . Donc , je saute … au chapitre 3 …. et suis tout de suite enthousiasmée . Enthousiasmée par la clarté avec laquelle ce type explique certaines notions , qui m'ont toujours paru assez confuses . Par exemple , c'est devenu très à la mode ( dans certains milieux ! ) de parler de " pleine conscience " ( méditation de pleine conscience , etc … ) . Frédéric Lenoir suggère , quant à lui , de remplacer cette expression par " pleine attention " et cite une phrase du Dalaï Lama : Quand vous lavez un bol , lavez le comme si vous donniez un bain au bébé Bouddha lui-même ! . Et là , ça me devient lumineux , et même enthousiasmant . ( Même si je n'aime pas trop penser à la façon de laver un bébé ,quelque chose que je n'ai jamais pratiqué et que j'espère bien ne jamais devoir pratiquer - du moins dans cette vie ) .
Ou encore , au détour d'une phrase , il définit sa façon de comprendre le mot " Dieu " , et bien sur , ça aussi , ça me ravit : " Dieu , puisque c'est le nom que je choisis de donner au mystère de la vie " . Ah , pas mal ! Enfin un qui accepte de dire , au début du bouquin , ce qu'il entend par ce groupe de quatre lettres , ultra ressassé … Bon , très bien . Moi , je dis : la Shakti , souvent … et puis , faut entendre " vie " au sens large , au sens où les nuages , les pierres , tous les éléments sont vivants …
Je continue également à adorer que , dans un livre de spiritualité , l'auteur parle de sa propre expérience ; admettant de ce fait , avec humilité , ses propres limitations . Mais il fait une distinction entre le bonheur et la joie . Ce que je ne comprends pas trop bien . Dommage …
Puis tout à coup , malheur ! Après cette lune de miel spirituelle , la rupture me tombe dessus comme le couperet de l'échafaud . Parce que , parmi ses auteurs de base , il y en a un , nommé Bergson ( j'avais déjà entendu ce nom la ) qui chante les vertus de l'effort .
" c'est la réalisation matérielle du poème en mots , de la conception artistique en statue ou en tableau , qui demande un effort . L'effort est pénible , mais il est aussi précieux , plus précieux encore que l'oeuvre où il aboutit , parce que , grâce à lui , on a tiré de soi plus qu'il n'y avait , on s'est haussé au dessus de soi-même . " . Et Frédéric Lenoir continue : " J'adhère totalement à ce propos , et je l'élargirais à tout travail qui nous a demandé une effort . La persévérance dans l'effort jusqu'à la réalisation de notre projet est presque toujours source de joie . " etc. ….
Or , s'il y a quelque chose que je déteste fondamentalement ,moi , c'est bien l'effort . J'ai passé mon enfance à suivre mes parents en randonnée , tous les dimanches , à grimper plus ou moins péniblement sur des montagnes ; pour aboutir , au bout de plusieurs heures , à des cols , ou à des sommets - d'où l'on avait un panorama sur la vallée ; puis à en redescendre . Personnellement , j'aurais plutôt apprécié de rester dans la forêt , de regarder les petits cailloux , de patauger dans les ruisseaux … J'ai également passé ma scolarité , des années et des années , à faire des efforts incroyables pour réussir dans les études ; le résultat , je peux le jurer , n'en valait vraiment pas la chandelle , et d'ailleurs j'ai bien failli mourir de ce genre de stupidité .
Je marche : c'est un plaisir . Je prends mon temps … je sens , j'écoute , je regarde … Si je fais l'effort de marcher vers un but , histoire d' arriver quelque part , quel intérêt ? De là où je suis , je peux regarder le ciel et les nuages , les buissons et les arbres … et c'est toujours aussi beau de partout …
Je peins : je ne sais pas où je vais … où vont les couleurs … La peinture se fait , je suis attentive , je fais de mon mieux avec mes moyens ... mais rien à voir avec ce concept masculin de la réalisation d'une oeuvre d'art . Et en outre , je ne sens pas d' effort là dedans .
Je jardine , je m'agite , je gratte, je fouis la terre , j'arrache , je trimballe de ci , de là , des poubelles pleines de mauvaises herbes ; est-ce que c'est un effort ? Je ne sais pas . Je ne peux pas m'empêcher de le faire … Oui , je suis contente du résultat , là . Mais je suis contente en le faisant … pendant que je le fais . Donc , c'est un plaisir , et que ça soit un effort ou non , ça ne rentre pas en ligne de compte …
Hum … et quand tu te traînes pour faire une petite séance de yoga le matin … Oui , c'est vrai que ça me coûte un peu de m'y coller - mais ça découle d'une vision toute simple de ma réalité : je sais , j'ai expérimenté que si je n'entretiens pas ce corps , il devient raide ; et si je n'entretiens pas cet esprit , il part dans tous les sens , avec une tendance désagréable à ruminer … Bref : aucune raison , là non plus , de valoriser l'effort . Je vais , tout simplement , vers ce qui me fait du bien … Et pas de quoi en faire un vélo . C'est le vélo de l'auteur , dirait-on . Bah ! Je ne m'en soucie guère , finalement , de son conditionnement à lui … Mais tout de même , je vais continuer ma lecture … parce que c'est plutôt intéressant …
*** Montaigne , Nietzche , Bergson