Une citation qui me fait chaud au cœur , tout particulièrement :
" une bougie qui rêve , une pluie qui écrit et un renard qui dort travaillent tous les trois à la recréation du monde "
Philippe n'aime pas Christian Bobin .
Et il me dit : " la bougie , la pluie , le renard , très bien ! mais dans un poème chinois ça se serait arrêté là " . Certes ...
Philippe considère la suite comme une inutile préciosité .
Moi pas . J'ai besoin , parce que le poids de la culpabilité infusée par mes parents laïques et inconsciemment judéo -chrétiens était si terrible , j'ai besoin de la fin de la phrase , et de me dire que ,dans ma paresse , je travaille aussi à la recréation du monde ...
Travailler , c'était bien . Paresser , c'était mal . Travailler , s'agiter ... ça fait augmenter le PIB ; et c'est comme ça qu'on juge que les gens d'un pays sont heureux ou malheureux , grâce à ce sacro-saint PIB . le PIB , ça permet de quantifier , c'est des nombres , c'est scientifique , au moins ...
Hier , en revenant d'une visite à mon amie de Corbès ,qui vieillit mal et avec beaucoup de souffrance , j'ai croisé sur la petite route tranquillette , qui tournicote dans le maquis - je descendais , ils montaient - tout un groupe terrifiant de marcheurs frénétiques , armés de ces bâtons pointus qui ressemblent tellement à des bâtons de ski que je cherche à chaque fois la neige et la glace qui devraient logiquement les accompagner . Ils luttaient âprement contre une pente qui en fait est plutôt douce - cramoisis , dents serrées , haletant mais parvenant néanmoins à passer beaucoup d'énergie dans la parole . Des allemands , ha ! mais ça aurait aussi bien pu être des français . Que pouvaient-ils bien se dire ? Courage, on arrive au sommet ? On arrive au but ? Misère de misère ... j'ai préféré paresser , écouter les gammes mineures descendantes , que je ne peux m'empêcher de trouver un peu tristes , des pic-verts ( je ne sais pas s'ils sont plutôt pic cendrés , ou de Sharpe , il y a une histoire de petite tache rouge sur le dessus de la tête - mais , bon , on va les appeler des pic-verts ... ) J'en ai vu un , il y a quelques jours , et on en entend beaucoup en ce moment , qui font leurs exercices dans les bois de chênes .
J'ai détesté le groupe de marcheurs ; mais , tout de suite après , j'ai été envahie par le sentiment de ma vie comme merveilleusement pleine d'espace . Ce sentiment qui commence à m'arriver , par moments très brefs , depuis quelques mois - ma vie comme un immense espace merveilleusement vide et libre , que je n'ai pas à meubler à tout prix - juste défaire ,défaire , défaire ..