Encore une méditation qui se transforme en panoramique des Enfers de l'enfance ( mais je le sais bien , objectivement ça n'était pas l'Enfer cette enfance ! il y avait , mais oui , un genre de chaleur , d'amitié , dans la chorégraphie de toutes les personnalités d'adultes et d'ados pleines de vie , qui se chipotaient mutuellement , essayaient de prendre le pouvoir chacun chacune à leur tour , par la parole violente ou le silence , se haïssaient parfois , s'aimaient parfois ... me voyaient parfois , m'ignoraient parfois , me voyaient en serpillière , me voyaient en bûche de Noël ... mais les enfants sont trop sensibles , et où diable trouveraient-ils leurs repères quand les adultes pédalent dans leurs choucroutes émotives ? ) ... je l'avais bien cherché , ce petit voyage touristique dans mes Enfers , en affirmant une pensée positive avant de me plonger dans le grouillement des pensées , des souvenirs , et des blessures , petites ou grandes , d'il y a soixante-dix ans ... " je veux vivre en harmonie avec mon corps " .
Voilà , c'est ça que je veux maintenant ... C'est toujours intéressant de faire une affirmation comme ça avant de méditer , et d'observer ce que ça soulève . Boudiou ! ça n'était pas rien ... tous les avis familiaux , les dits et les non-dits , les plaisanteries , les regards et les non-regards , sur l'apparence de la petite fille agréablement rondelette d' il y a plus de soixante ans , ont défilé dans ma tête . S'y sont ajoutées , en prime absolument gratuite , quelques commentaires destructeurs sur le comportement de cet enfant , qui m'avaient assassinée , à la même époque lointaine , parce que je les prenais pour argent comptant ; mais qui ont encore une déplaisante tendance à s'agglutiner comme des sangsues dans ma tête , à cause d' une ou deux paroles maladroites que j'ai pu dire récemment ; et que je te ressasse et que je te juge , oh oui ! ... Le mental agglomère , compresse , bat en neige et réchauffe tout le reçu du passé , le ressort dans le présent comme si c'était tout frais tout nouveau - et on dit de cette soupe " c'est MOI ! " " MOI je pense ça ! " et on s'y accroche ...
Bref ... pendant cette méditation de ce matin - il y a d'abord eu une étape vraiment bienfaisante - comme un arbre de lumière dans ce corps .
L'étape est passée ; à la fin , je suis revenue à la surface vers sept heures du matin , me sentant mal comme tout .
Et j'ai eu envie de m'habiller en noir . Je ne m'habille jamais en noir , depuis des années . Pourtant , ça me va bien , parce qu'entre les cheveux blancs , les sourcils blancs , et la peau qui devient couleur ivoire , quand je mets du rose saumon j'ai l'air d'un zombie se préparant pour Halloween .
Quand on est en rose , on offre de la gentillesse et des roses ... on est aimable et on s'efforce de faire plaisir , on s'efforce désespérément de rendre les gens autour de soi plus heureux ...
Mais quand on est en noir ... Ah ! Le ressenti , quand on s'habille en noir , vous rend totalement différent . Quand on est en noir , on a envie d'envoyer paître tous les gens qui nous ont fait chier , même le moins du monde . On s'autorise à ne pas être gentil et serviable ; ou simplement à être indifférent ... On s'autorise à se retirer dans le sombre cocon qui nous protège . On ne se croit pas obligé de sourire . Chouette ambiance ! Je venais d'une petite rue , et l'automobiliste devant qui je voulais m'insérer dans la queue , à l 'unique feu rouge du village , a accéléré pour ne pas me laisser passer . Je l'ai traité , sans qu'il m'entende avec ses oreilles , de con fini , et d'autres épithètes peu flatteuses encore . Quand on est en noir , on s'autorise aussi à manger peu même si ça fait tellement plaisir à la personne qui a fait la cuisine qu'on finisse son assiette . Tiens donc ! Quand on est en noir , on est protégé du monde par toute cette magnifique , infinie profondeur de vide et de nuit ...
Je n'ai pas envie d'être une teigne ; ça fait trop de dégats ! j'ai cueilli ce matin des cerises ( dans le grand cerisier du voisin , qui me l'avait proposé ) pour notre voisine commune ( de l'autre côté de la route ) . Un merle m'a félicitée et encouragée , tout le temps que j'étais sur l'échelle . Je n' ai passé chez la voisine , qui est fort seule , qu'une courte demi-heure , car j'ai plein de trucs à préparer pour notre départ , demain matin . Serais-je restée plus longtemps auprès d'elle , si j'avais été habillée de rose et de jaune comme d'habitude ?