L'après-midi était déjà bien engagé , il s'annonçait extraordinairement morne , étiré , lamentable et dépressif ; une inspiration bienheureuse m'a poussée à saisir boite d'allumettes et sécateur , et j'ai passé plusieurs heures à brûler des branches jusqu'à la nuit , il y en avait un tas énorme qui encombrait tout le fond du jardin , ronces , résidus de la taille de la haie d'ifs , ( je déteste les haies toutes droites, mais je ne me sens pas voix au chapitre , trop fatigant de discuter ) lauriers ... ça a fait un super feu , et ce soir le tas s'est réduit à presque rien . Je ne sais pas si ça vient de ce que j'avais tiré au Yi-King juste avant , et j'étais tombée sur " Li" , le feu ... là il est neuf heures moins le quart et ça rougeoie encore - non , je ne suis pas imprudente , il n'y avait pas , il n'y a pas le moindre souffle de vent .
( on remarquera la placidité d'Anaïs )
et tout le temps que j'alimentais le feu , il y avait cette chanson de Julos Beaucarne qui me trottait dans la tête , j'écoutais ça dans les années soixante-dix ; c'était la première fois que je vivais dans une maison qui avait une cheminée . Je crois que c'est sur un poème d'Eluard , je connais mal la poésie française , il ne me reste qu'une mémoire approximative
je fis un feu , l'azur m'ayant abandonné
un feu pour être son ami
un feu pour m'introduire *dans la nuit de l'hiver
un feu pour vivre mieux
un feu pour vivre mieux
qu'est-ce que j'écoutais ce disque à l'époque ... * ça me semble bizarre , " introduire" , ça ne doit pas être ça ... je rechercherai ... bonne nuit à tous , je me sens un peu mélancolique ce soir parce que j'ai eu ma marraine au téléphone tout à l'heure , qui s'ennuie et déprime toute seule à l'hopital de Thonon . Quoi faire ...