Autrefois , quand j'écrivais des lettres à ma famille ( mes parents n'ont eu le téléphone que fort tard , disons dans les années soixante-dix , par souci professoral de ne pas déranger leurs filles dans leurs études disaient-ils ; je crois plutôt que c'était par désir de mon père de ne pas être dérangé dans son bunker ... ) autrefois donc je commençais en écrivant : " Chers tous , je suis bien arrivée ... " la formule rituelle . Mes soeurs étant parties du nid quand j'avais huit-neuf ans , et elles sacrifiaient au rite ( hebdomadaire ? ) de la lettre familiale ; et moi j'ai engrangé la formule . C'était des lettres à but de réassurance contre toutes peurs et terribles angoisses maternelles ; personne n'aurait songé à y confier ses soucis , ses peines de coeur , ses désirs profonds ... on ne parlait pas de ça à nos parents . Pendant plusieurs années , jusqu'à mes trente cinq ans , j'imagine , j'ai continué la formulation . Ce qui fait que c'était , à soixante-quinze pour cent , un pensum . Les vingt-cinq pour cent restants étant du plaisir d'écrire et de se raconter , mélangé au pensum malgré tout ...
Ici , ne me reste que le plaisir d'écrire , qui devient quelquefois un bonheur incoryable , quelquefois une incoryable nécessité . J'écris à mes amies ... Alors là , j'ai envie de commencer comme ça ... " Chers tous ,Chères toutes , je suis bien rentrée chez moi ... "
... le séjour à Nice s'est bien passé , Philippe en super porc-épic dès le départ , moi super stressée de peur d'oublier ce que je voulais y apporter : le cartable -baleine qui contient tous les dossiers pour la tutelle , une courge parce que je suis toujours contente de faire semblant d'être une paysanne qui apporte les produits de son jardin , de la verveine , la mienne est bien meilleure que celle qu'on achète en pharmacie , ne pas oublier des vêtements de rechange parce que ça me remonte le moral là bas d'être propre et fraîche chaque matin , les brosses à dents etc ... ranger la maison pour tout trouver sympa en rentrant fatigués du voyage , ne pas oublier de prévoir des croquettes et de l'eau pour les chats , etc ...en plus dans ces cas là Phil , que j'accuse de parano, ferme tous les volets à double tour , je hais l'atmosphère des maisons qu'on quitte . Bref , on s'est regardés en chiens de faïence jusqu'à ce qu'on dépasse sur l'autoroute une voiture splendide , customisée avec l'avant peint de flammes flamboyantes , et deux loquedus à l'intérieur avec leurs casquettes à l'envers comme dans les films américains ... là , on a commencé à se réjouir un peu , tout de même .
Après ... après , maman est en forme , tellement contente de nous voir qu'elle gazouille à qui mieux mieux , mon mec qui se renfrogne à chaque gazouillis jusqu'à émettre une densité impressionnante de mauvaises vibrations silencieuses ... horripilé dans ce milieu exclusivement féminin , entre maman , tata ( quasi -absente cette fois ci ou pédalant à haute voix dans sa bouillie ) les infirmières , la nouvelle auxiliaire de vie - parfaite mais c'est les débuts - et moi , toutes femmes jacasseuses et plutôt contentes d'être ensemble ... coup de bol (! ) il y avait justement une petite fuite d'eau au cumulus , le genre où sa compétence remarquable éclate au grand jour . Ca lui a fait un dérivatif . Après il m'a aidée pour établir le budget des petites dames avec compétence également, a fait le chauffeur avec efficacité pendant que je balladais ma mère , ravie de sortir un peu de chez elle mais qui se fatigue dès qu'elle marche plus de cinq minutes ... nous a accompagnées au " roi du Tablier " parce qu'elle voulait s'offrir une nouvelle robe-chasuble d'hiver ( je l'encourage à se faire ce genre de plaisir quand elle peut ) ; puis un petit tour près du port ... ceci dit , moi aussi au bout de deux jours avec maman ma patience est mise sacrément à l'épreuve . En plus avec mon mec qui fait la gueule ... Mon dérivatif à moi c'est le jardin ; j'ai pu bien nettoyer deux massifs , planter tous les bulbes de tulipes que j'avais apportés pour que mes petites dames aient au moins un joli printemps ... . Ceci dit j'étais totalement hystérique à la fin parce que les moustiques niçois sont toujours offensifs , et ils n'ont pas souvent des mollets aussi dodus que les miens à se mettre sous la dent ...j'ai mis de l'essence de lavantde sur mes chevilles et des chaussettes , ils se sont attaqués à mes bras ... un vrai marathon , ce jardinage . J'espère que je n'ai pas attrapé le chicungunia ...
Manque de pot , tous musées étaient fermés le Mardi , on n'a pas pu revisiter Fernand Léger en partant ,on était un peu déçus . Ceci dit, nous sommes passés dans la vieille ville pour rapporter à la maison ( la nôtre , cette fois ! ) de ces délicieuses spécialités niçoises bien caloriques ( raviolis à la ricotta et à la daube , socca , porchetta , mais pas de pissaladière -que j'adore- parce que ça ne supporte pas trop le voyage ) ; la vieille ville est bourrée de petis magasins séduisants , je suis tombée en arrêt ( comme un chien de chasse !!!!! ) devant une petite échoppe de bijoux fantaisie , un peu cher pour ce que c'est mais ... Et alors , ça s'est soldé par ... devinez quoi , une nouvelle paire de boucles d'oreille . Bien sur ! ( France ne rigole pas ! ) Celles-ci sont couleur cyclamen , immenses , en forme de coeurs . ( photo dans l'édition du soir ... ) De toute beauté ! comme disait Giono au second degré ... Je suis comme les dames qui font la pub : je les ai bien méritées .OOUUUUF !
ben voilà mes zoreilles .ce soir .. le truc rouge , c'est le cordon de mes lunettes .