C'était il y a une semaine .. enfin je crois ... on s'est levés à quatre heures , et je déteste me retrouver frissonnante dans la nuit noire ... On s'est empilées dans les taxis , pour monter jusqu'à un temple situé au dessus de Rishikesh , à 1600 mètres d'altitude je crois . Point de vue d'où nous pourrions admirer le lever de soleil sur les cîmes enneigées , du moins c'est ce qui me motivait . J'avais beau savoir qu'elles étaient à deux cent kilométres ces neiges éternelles , je me disais que les sommets de l'Himalaya c'est si haut que ça devait être impressionnnant ... au bout d'une bonne heure de montée en voiture , on nous a fait descendre , tout en bas d'une volée raide de marches qui m'a semblé interminable , vue d'en bas ; je m'en sentais physiquement mal à l'aise , le coeur qui bat et les jambes molles ..Ces marches qui montent dans la nuit , désespérément , vous qui partez ici laissez toute espérance , ça me remémorait probablement les randonnées obligatoires de l' enfance . En fait , on est montés cinq minutes à peine , mettons dix à la rigueur , pour aboutir à une esplanade au sommet d'un piton . Nom de Dieu qu'il faisait froid là , à cinq heures et demie du matin , et en plus on enlève toujours ses chaussures dans une enceinte sacrée , naturellement je n'avais pas pensé aux chaussettes ... je me suis recroquevillée sur un banc , hélas métallique et glacé , travaillant de mon mieux la position du demi-lotus pour permettre à mes orteils de ne pas geler complétement en les coinçant sur ou sous mes cuisses , et en attendant ce fameux soleil j'ai essayé de faire tumo ,comme ADN dans les neiges du Tibet , c'est à dire de visualiser un feu à l'intérieur , commençant par le chakra racine tant que j'y étais . Ca marchait un peu en ce qui concerne mon dos grelottant et mon torse ,mais je ne réussissais pas à me concentrer assez pour que la chaleur gagne les pieds .
Ensuite un autre groupe est arrivé . A Rishikesh il y a vraiment une atmosphère magique , à cause de tous les ermites et tous les quêteurs spirituels qui y méditent depuis des millénaires : parce que ma réaction habituelle , ordinaire , connue , d'hostilité envers ces cons qui viennent me piquer MA vue sur MON lever de soleil sur l'Himalaya n'a duré que quelques secondes , et ensuite je me suis sentie de coeur avec eux dans l'attente et l'espérance ... Enfin , ce fameux soleil a commencé à se lever dans la brume , et j'ai du faire une croix sur l'idée des cîmes enneigées . Je m'en fous ,dans ma fichue famille de montagnards durant l'été chiant en Haute-Savoie , la vue qu'on attendait au rendez-vous c'était le Mont-Blanc , Himalaya-Mont-Blanc même combat , j'en ai rien à cirer . C'est joli , bon d'accord , mais faut pas en faire un vélo . Enfin , j'en parle , j'ai toujours pas vu l'Himalaya . J'étais vraiment contente de voir le soleil en tout cas !
Je me suis levée pour faire un tour et essayer de rétablir la circulation dans mes orteils ; près du petit temple je me souviens qu' il y avait une esplanade de marbre bien lisse et sombre , qui était presque tiède sous la plante des pieds , une bénédiction . Je suis entrée , j'ai regardé le prêtre chanter une petite cérémonie ; il m'a mis sur le front une touche de vermillon poisseux où collaient quelques grains de riz cru , puis m'a donné du prasad ; et le gout du sucre candi sur ma langue était bienvenu .