Hier , temps encore automnal , j'avais décidé de tailler les rosiers - ce que je fais toujours avant l'hiver , je trouve ça trop triste de tailler au printemps quand toutes les plantes sont pleines d'enthousiasme . Bêtement , je m'étais levée tard , parce que la nuit précédente j'avais voulu profiter d'une petite insomnie entre trois et cinq heures du mat pour finir un polar qui m'avait scotchée ( sicilien , le polar , vous devez connaître .. ) . Mais un peu angoissant , je ne devrais pas lire des trucs comme ça moi . Bref , je ne me pointe dans le jardin que vers dix heures , après avoir fait une petite séance de yoga , pris mon temps pour le petit dej , et terminé le courrier urgent ; de l'intérieur , j'avais vu avec attendrissement que Philippe était dans un des oliviers , déjà occupé à cueuillir les négrettes , à moins que ça soit les picholines .. Qu'est-ce que c'est idyllique de jardiner à deux dans un grand jardin .
Ben non . Non , parce que le Philippe quand il cueille les olives il écoute la radio posée en bas de l'olivier - France Culture , toujours France Culture - et que le son porte a-bo-mi-na-ble-ment , même dans un grand jardin ; et que moi quand je jardine j'aime n'entendre que le vent dans les feuilles , le coq du voisin qui chante ou ses ânes qui me crient bonjour .. à la rigueur , une voiture qui passe sur la route ... pas plus . L'émission était surement intéressante ,mais elle me bouffait mon espace . Je ne voulais pas lui demander d'arrêter parce que ça l'aurait foutu de mauvais poil , je culpabilisais déjà de le laisser se débrouiller tout seul avec les olives ( trente kilos , aux dernières nouvelles ) . J'ai donc décidé de tailler les rosiers de l'autre côté de la maison , seul endroit protégé des commentateurs oiseux : seulement , c'est le côté qui est à l 'ombre le matin ; au bout d'une demi-heure , qu'est-ce que je me caillais ... je coupe , je taille , je remplis les grandes poubelles plastiques de branches que je détaille en petits morceaux pour ne pas que ça prenne trop de place , j'apporte ensuite en bas du jardin pour brûler ( en me bouchant les oreilles parce que ça rentre dans l'espace sonorisé ) , je garde de belles boutures pour envoyer à la copine qui m'en a demandé ... j'attends avec impatience que l'émission se termine pour aller tailler les rosiers côté soleil . Je commence à être de mauvaise humeur , qu'est-ce que ça dure cette émission , qu'est-ce qu'ils sont bavards ... pour me concentrer sur ce que je fais je me chante un mantra intérieurement , Om Nama Shiva - sur l'expir , ça m'aide à ne pas me sentir envahie par la radio , après tout les vrais sannyasins ils arrivent à méditer dans un aéroport , ma fille prends en de la graine , j'inspire , j'espire Om Nama Shiva mais dés que je me déconcentre le bavardage à l'extérieur , la mauvaise humeur à l'intérieur ... et pourtant tailler les rosiers j'aime bien en général mais là : je coince .
( ça , c'est en Mai , le rosier rouge au dessus du Blush Noisette , qu'au moins vous compreniez pourquoi je m'escrime )
Midi . L'émission enfin terminée , j'arrive à extraire de ma pauvre cervelle dont le fonctionnement est déjà notablement ralenti par le froid une plaisanterie de bon ton pour que Philippe arrête la radio - ce qu'il fait . Quel bonheur , ce silence ! J'ai sorti l'escabeau , déjà , pour pouvoir tailler les rosiers les plus hauts de la pergola au Sud Ouest . Je commence par le bas du rosier rouge ... puis je m'apprête à aller chercher l'escabeau , je l'ai posé contre le mur du garage tout à l'heure . Zut alors , il n'y est plus ; mais par contre qu'est-ce que je vois au pied de l'olivier ? l'escabeau ; et sur l'escabeau , les chevilles de Philippe , qui est en train de cueillir le haut de l'olivier ... Je lui demande quand est-ce qu'il a fini ; comme il est déjà de mauvaise humeur d'avoir arrêté la radio il me dit que c'est pas tout de suite et que j'ai qu'à continuer à tailler le bas des rosiers , qu'il voudrait terminer les olives avant la pluie ... Il a raison . Oui mais moi j'ai raison aussi , parce que si j'attends après la pluie la terre sera molle et les pieds de l'escabeau s'enfonceront trop dans le sol , abîmant les clématites et les hémérocalles que j'ai plantées en bas du rosier rouge . Intérieurement , je ronchonne et je râle tout ce que je sais ... et je taille , je taille le bas des rosiers . Heureusement , il fait moins froid . Oui ,mais le soleil se cache ... J'avais décidé de terminer les deux grimpants aujourd'hui ; je prends donc une chaise de jardin que je câle sur des planches pour que les pieds ne s'enfoncent pas dans la terre meuble de l'automne ; installée en équilibre douteux au milieu des branches épineuses , en espérant que je ne vais pas me casser la figure dans les rosiers du bas , je m'occupe du rosier rouge parfumé à grandes fleurs , je l'ai planté il y a trois ans et je n'aurais jamais imaginé qu'il pouvait atteindre un tel développement ... , je taille , je taille , en attendant qu'on me rende ce fichu escabeau ...
Deux heures et demie . Ras -le-bol , je suis crevée , tant pis pour le haut du rosier , j'arrête ... je le dis à mon cher et tendre toujours perché . Mais là , il me sort qu'il a fini dans cinq minutes ; et me rend l'escabeau . Bon , je le voulais je l'ai , ça serait bête de ne pas m'en servir .. je me réinstalle , et que je te coupe et que je te taille .. je ne suis presque plus fâchée contre lui .
Trois heures et demie . Ouf ! Terminé pour celui-ci . Il me restera encore " Pierre de Ronsard " , et puis l'autre rosier rouge à grandes fleurs qui pousse contre la maison , mais je n'en peux plus , j'arrête . D'ailleurs , j'ai un tantinet mal au dos . Et les pieds gelés . Et puis ,il commence à faire faim ... pas question de faire la cuisine , tout de même , il reste de la pâte à crêpes de la veille , ça sera parfait avec un bon thé brûlant . Nous mangeons paisiblement nos crêpes , je vide gaillardement la moitié d'un pot de confiture de l'été dans la crêpe moëlleuse sous prétexte que j'ai travaillé toute la matinée dans le froid ... ( pêches de vigne aux épices , un régal je ne vous dit que ça ... je n'ai pas plaint le gingembre et c'est le dernier pot ) . Complétement rassérénée , je décide d'une petite sieste , le chat roulé en boule dans le creux de mes genoux . Quelle bonne matinée , finalement .
Quatre heures et demie . Je me réveille en me sentant le dos très raide , Dieu sait pourquoi . J'avais dit à maman que je passais la voir ... je m'extrait difficilement du canapé , je prends la voiture , j'arrive là bas ; j'essaie , pour la distraire , de lui montrer des photos que j'ai réussi à enregistrer sur clé USB - la pauvre , elle a beaucoup de mal à voir , ça n'était vraiment pas une bonne idée , finalement . Arrive Sylvie , re-thé . Je me sens de plus en plus coincée , le côté droit tout douloureux dés que je veux me baisser . Curieux . Nous bavardons gentiment toutes trois , je rentre chez nous ; enlever mes chaussures est un vrai défi et je me tortille pour ne pas réveiller la douleur .. Ce soir , ils repassent les Tontons Flingueurs sur la 2 - je m'en réjouis d'avance , voilà qui sera souverain contre le mal de dos . Je fais un peu de sanskrit sur internet en essayant de ne pas m'endormir , puis c'est l'heure du film - j'ai du mal à m'extirper de la chaise pour aller sur le canapé .. Philippe me badigeonne le dos avec du Rhumalaya , la pommade chauffante ayurvédique miracle pour muscles froissés ... ça chauffe , c'est agréable . Je m'effondre sur le canapé ... ce film est toujours aussi génial . Patricia mon petit , je ne voudrais pas paraître vieux jeu et encore moins grossier , l'homme de la pampa parfois rude reste toujours courtois , mais la vérité m'oblige à te le dire : ton Antoine commence à me les briser menu ...
http://www.youtube.com/watch?v=bg_OL7OXVj8
http://www.youtube.com/watch?feature=endscreen&v=7SUGG0ClUP0&NR=1
Dix heures et quart ... mon côté droit est coulé dans du béton . Je vieillis , je vous dis ... je vais me coucher avec un mug de tisane brûlante , avant le mariage des tourtereaux . Eh beh ....