( c'est beau, non ? la terre de mes ancêtres .. j'ai piqué la photo sur Google ; ça vient d'un article titré " le trail de Saint-Geniez " . Le trail .. pourquoi pas le safari , tant qu'il y est . )
Toute la semaine dernière , j'étais vraiment fatiguée - tout en sentant que ce manque d'énergie était une déprime larvée . Depuis hier , ça va mieux ; j'ai un peu arrêté mes recherches généalogiques . La fatigue-déprime m'était venue d'avoir plongé dans les vies de gens que j'ai du mal à imaginer comme heureux . En éponge de bonne qualité , j'ai absorbé leurs malheurs ... faut dire que le peu de personnes que je connais encore , vivant à l'étroit dans ces montagnes , ne m'ont jamais paru précisément des gaies luronnes . Une amie , catho à tout crins , qui vit là bas maintenant , probablement ma cousine parce que les gens se mariaient tous entre eux de vallée à vallée , semble rester , année après année , un paquet de souffrances diverses , une éternelle mendiante depuis bientôt quarante ans que je la connais ... ( je précise , il ne s'agit pas de quelqu'un de ma famille , ni de quelqu'un qui lit ce blog ) . J'ai fait récemment la connaissance de quelqu'un d'autre , une luthérienne pour changer , l'air affligée de la même difficulté ( Waouh ! l'air offensé de cette nana pour dire de Krishnamurti : " Jamais entendu parler ! " .. J'adore les chrétiens et leur complexe de supériorité ! )
Du coup , j'ai imaginé mes arrière-arrière grands-parents comme des gens qui n'arrêtent pas de supplier désespérément , eux aussi , le bonheur de se poser sur eux - et le bonheur les fuit toujours . Je vois aussi qu'ils ont eu un sacré paquet d'épreuves. Je sais bien que c'était courant , à l'époque , d'avoir un ou deux enfants qui mouraient ; mais , tout de même .. d'abord le petit de trois ans , puis , dix ans plus tard le grand de dix-neuf ans , .. et le père de famille ensuite ...
Bon ! moi je sais , et vous vous savez , que le bonheur n'existera jamais dans les circonstances extérieures , mais qu'il faut éduquer son coeur : lui apprendre , gentiment , à ne chercher son équilibre qu'à l'intérieur .Et que les montagnes russes de la souffrance n'en sont pas terminées pour autant .
Après tout , pourquoi est-ce que je projette sur eux cette souffrance supposée , cette résignation supposée ? Pourquoi ces gens , qui avaient la chance de vivre dans la petite plaine qui entoure Saint-Geniez , plaine sur laquelle on débouche presque forcément par le défilé de la Pierre Ecrite - cette Pierre Ecrite qui annonçait la création de Théopolis , la Cité de Dieu , par un notable romain ami de Saint - Augustin* , un homme qu'on peut supposer chercheur spirituel lui aussi , donc - pourquoi mes ancêtres auraient-ils été les mendiants émotionnels que j'imagine ? Pourquoi n'auraient-ils pas assumé leur destin de paysans sans terre avec calme et gaîté ? Pourquoi n'auraient-ils pas vécu la tête haute ? Qu'est-ce que j'en sais , au nom du Ciel ? j'ai projeté ... probablement à partir d'un ton triste qu'aurait eu ma maman parce que sa maman était triste en parlant de la mort de sa propre maman ... ( vous suivez ? ).
Tout de même , je viens d'avoir connaissance des lettres écrites en fin de vie par cette arrière-grand-mère Emilie - on ne peut pas dire que ça irradie joie et sérénité ...
Et alors ? j'ai imaginé ; ou ressenti , chez mes arrière-arrière grands parents , la résignation - une " qualité " généreusement répandue dans ma famille . Mais les montagnes ne sont pour rien dans la résignation - Saint-Geniez n'y est pour rien ! L'arrière-grand-oncle de ma cousine Denise , Odile Daumas , né lui aussi à Saint-Geniez - et qui vivait , je suppose , dans le hameau de Chabert à côté - a été condamné au bagne en Algérie pour avoir fait partie de l'insurrection Républicaine contre le coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851 . Se résigner ,ou résister .. pas de résistants chez mes ancêtres ; ceux de ma cousine , eux , l'ont été , aussi , pendant la dernière guerre . Et c'est moi qui juge , moi qui aurais bien aimé avoir des ancêtres un chouïa plus toniques ... Bon ! l'arrière-grand mère , chrétienne , proposait affectueusement à ma mère petite de penser au " Petit Jésus " ( Beuark ! ) ; je peux toujours me dire que , quelles que soient leurs croyances , mes ancêtres se sont contentés de faire leur possible avec ce qu'ils avaient reçu en héritage , mental ou matériel; tout leur possible , rien que leur possible . Et peut-être marchaient-ils la tête haute , comme je nous souhaite de le faire .( La tête haute mais surtout pas raide !) . Marcher la tête haute - ce qui n'a rien à voir avec l'orgueil .
Arnaud nous citait souvent :
Seigneur , donne moi la force d'accepter ce que je dois accepter ,
le courage de changer ce qui peut l'être
et la sagesse de distinguer entre les deux ...
. OM !
* je ne sais d'ailleurs rien de Saint-Augustin ., faudra bien un jour que je m'y mette ...
** pour les gens du Nord , peuchère , qui ignorent tout de la résistance républicaine en 1851 dont on ne parle guère dans les livres d'histoire , voir :
http://www.1851.fr/hommes/sommaire.htm
http://tristan.u-bourgogne.fr/Inculpes/WEB/1851_Index.html