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Ce matin , en sortant de la position assise dans laquelle je méditais ( ouh ! les genoux qui se déplient ... ) je me sentais , à la fois soulagée ( j'en ai ras-le-bol de faire des efforts ) et triste de quitter cet espace tranquille , intérieur et extérieur : le matin , j'aime le moment paisible avant le lever du soleil . Pas de bruit dans la maison , les flammes des petites bougies qui vacillent devant les photos des maîtres souriants , devant la statue de la petite Tara ... Et puis , me suis-je demandé avec nostalgie , pourquoi ne pas continuer à méditer ? Rien ne m'attirait des activités de la journée .
Quelquefois , je me dis que j'aurais du être nonne .
La tasse de café à la main - je ne devrais pas appeler ça du café , tant la proportion d'eau chaude que j'y ajoute est démesurée - je me pose devant l'ordinateur . Puis me demande pourquoi diable je ne reste pas plus longtemps , intérieurement , dans ce refuge paisible de la méditation , m'appuyant , par exemple , sur cette sensation de chaleur rassurante dans le ventre - même si je fais autre chose . Après tout , quel besoin a t'il ce mental de s'agiter ? quel besoin ai-je de me laisser happer par l'extérieur ? par la folie ambiante ? Je peux rester tranquille , en contact avec cet état paisible , même si je ne médite pas . Si les "activités de la journée" m'ennuient , je peux ne pas leur donner toute mon attention , ou les faire en méditant . Y compris , passer dix fois la serpillière parce que j'aime que le sol soit propre et qu'Hermione rentre du jardin boueux vingt fois par jour .
Enfin je crois .... parce que la vérité m'oblige à reconnaître que Philippe et moi nous sommes disputés comme des chiffonniers hier après-midi . Hier après-midi : j'émerge , paresseusement , difficilement , de la sieste ; je jette un œil dans le jardin , et qu'est-ce que je vois ? Mon Philippe en train de vaporiser de la décoction d'huile blanche , le traitement de fin d'hiver qu'il estime de son devoir absolu de faire ; on s'était déjà disputé à ce sujet , je trouve que c'est complétement inutile - c'est soi -disant " bio " mais c'est tout de même de l'insecticide . D'ailleurs , il a mis un foulard sur sa tête , un autre pour se protéger le nez , façon braqueur de banque très artisanal . Et il est en train de vaporiser , donc , un pommier du Japon en fleurs . Mon sang n'a fait qu'un tour ... Sacré nom ! les arbres commencent tout juste à fleurir , les abeilles et les bourdons commencent juste à sortir dans ce printemps qui commence , et ce crétin va mettre de l'insecticide sur des fleurs ! Assassin immonde ! Parisien !
Ca c'est terminé que c'est moi qui ai pris ce foutu bidon d'insecticide sur le dos , j'aurais bien flanqué tout le contenu dans les WC mais il parait que ça risquerait de faire du mal aux petite bactéries qui grouillent dans la fosse septique . D'ailleurs , je peux très bien le faire même si c'est lourd et si le tuyau fuit , et d'autant plus que je suis dans une colère noire et que ça m'aide à sortir de la sieste vite fait . Et j'ai terminé de vaporiser , uniquement sur les troncs des conifères . Ils ont toujours tendance à avoir de l'araignée rouge l'été , et il n'y a aucune fleur à proximité .
Bon ! Mais ça , c'était hier . Nos disputes ne durent jamais longtemps , et ce matin , je me dis que j'ai envie de rester davantage dans cette paix , à l'intérieur de moi .