Mon humeur maussade d'hier matin s'était envolée d'un coup pendant la séance de vingt minutes de yoga à laquelle je m'étais astreinte en rechignant . Aussi , comme nous avions prévu de faire une sortie , j'ai proposé à Philippe d'aller revoir un oppidum romain ; un bel endroit que nous avions visité , je crois , il y a une dizaine d'années .
Vous l'ai-je dit ? ma vieille Ford Mondéo a rendu l'âme , à la fin Décembre ; j'ai une nouvelle voiture , plus petite , que je conduis avec plaisir , après avoir du m'habituer à tous ces voyants et clignotants et avertisseurs trop nombreux pour une vieille conductrice comme moi . J'ai proposé de nous conduire . Jolie balade , temps printanier idéal , presque pas de visiteurs hors week-end ... mais une bonne heure de route , tout de même , avant d'arriver au site . Cela m'a permis de me rendre compte, tout au long , d'un autre charmant détour de mon fichu caractère : j'adore conduire toute seule ; j'aime assez me faire conduire ... mais je n'aime pas tellement conduire quelqu'un . Même quelqu'un que j'aime bien ... Bon , c'est pas que je déteste ça avec intensité ; seulement , ça me met dans un genre d'état hyper tonique , et un peu stressé , comme si j'avais avalé auparavant tout un saladier de café fort . Oh , je suis à la hauteur ,faut pas croire ! je ne conduis pas plus vite , et plutôt bien . Seulement , je prends les choses en main ... avec juste un peu trop d'énergie . Bon ! Arrivés au site d'Ambrussum , on promène , le long du Vidourle d'abord , puis en grimpant la colline - trois bonnes heures en plein soleil , petit vent délicieux ... arrivés sur la place de l'ancien forum , on grignote de bon appétit notre pique-nique acheté à la boulangerie de Sommières ( pour Hermione , j'ai pris une portion de pizza avec plein de fromage , un de ses péchés mignons la pizza ... ) Puis , nous rentrons , toujours de bonne humeur . Je sens Philippe un peu fatigué par l'excursion , et dés notre arrivée je reprends les choses en main , toujours avec tonus - je grimpe quatre à quatre l'escalier pour préparer le feu de cheminée , je redescends pour chercher des bûches , je cours , je vole ... je redescends , une dernière fois , pour chercher les ingrédients du repas du soir ; je remonte , tenant d'une main un sac plastique ( écolo ! ) contenant une betterave cuite , un autre sac plastique ( toujours écolo ! ) contenant la mâche que j'ai eu la précaution de laver le matin , et de l'autre main deux œufs , que je vais faire durcir . Ahi ! sur l'avant-dernière marche , mon pied glisse - je m'aplatis comme une crêpe , de biais sur les marches ; avec une vive douleur juste en dessous du genou , le dessus de mon tibia a heurté pile l'angle de l'escalier ... je geins des malédictions d'une voix caverneuse , Philippe accourt ... rien de grave : je lui tends triomphalement les œufs intacts . Puis je frictionne mon genou avec de l'huile à l'arnica , je prends une dose d'arnica aussi ( 7CH ) , je me remets à cuisiner ( je suis également en train de faire cuire la confiture d'oranges ) .
Le soir , je m'installe sur le canapé devant une série d'Arte ( Meurtres à Sandham ) , qui me semble de plus en plus médiocre à chaque épisode . Voulant me relever , je hurle de douleur tout à coup . Je n'avais pas mal quand l'articulation était à chaud - mais là , c'est vraiment très pénible . Il y a une énorme enflure sur le dessus de mon tibia . Nouvelle dose d'arnica 7 CH , compresses glacées que Philippe me change avec prévenance ... je gis en geignant sur le canapé ... Ouh que ça fait mal !
Et voilà . Aujourd'hui , abandonnant , provisoirement , mon personnage de femme efficace , j'ai passé une matinée exquise à roupiller au lit , dans la chambre ensoleillée . Jusqu'en milieu d'après-midi . Je n'ai presque plus mal à la jambe , même si une protubérance grosse comme un demi-pamplemousse en fait l'ornement actuel ; et je peux même agréablement plier la jambe droite , pour m'adosser confortablement contre l 'oreiller . J'alterne sommeil et lecture d'un roman qu'on m'a prêté , d'un auteur dont j'avais seulement entendu parler ( Douglas Kennedy ) et qui , malgré son habileté littéraire , m'intéresse si peu que je survole le premier tome , et n'irai pas au bout du deuxième , abandonnant la pauvre Alice à ses complications familiales . Pourtant , il y a de belles pages sur Dublin , qui m'ont donné envie de visiter l'Irlande ... Finalement , rien de tel qu'une belle journée de printemps à buller , comme me le fait remarquer Noisette qui me tient compagnie entre les oreillers ...