Nuit agitée pour cause de chien gémissant , de chat crachant contre un ennemi inconnu ; je fais une méditation que proposait Shakti Gawain dans un de ses livres : vous vous relaxez , le plus profondément c'est le mieux , puis vous invitez votre côté féminin pour une petite conversation . Votre côté féminin , ou votre femme intérieure , appelez- la comme vous voulez . Puis , vous faites la même chose pour votre côté masculin . A chacun , vous posez toutes questions nécessaires pour votre équilibre intérieur ... vous pouvez aussi leur proposer de communiquer un peu . Eh beh , mon côté féminin ne va pas bien du tout , cette fois ci elle se présentait comme une jeune femme très brune , aux cheveux hirsutes , un peu souillon ça ne m'étonne pas de moi , et l'air de se trouver terriblement encagée dans sa situation . Mon côté masculin , lui , serait plutôt du genre héros de western , redresseur de torts , beau comme tout , mais mutique ... s'occupe pas des femmes lui ... aïe , aïe , aïe ... et mon ego qui doit marcher avec les deux , le féminin et le masculin , l'est pas à l'aise mon ego ... je voyais bien tous ces jours derniers : je suis pas mal active , pleine d'énergie pour écrire toutes lettres , donner tous coups de fils nécessaires bien que je déteste ça , ranger faire le ménage faire la cuisine repasser m'occuper du chien , le tout sans traîner . Efficace , oui . C'est le masculin ça . Faut dire , j'ai pas reçu l'éducation pour être féminine ... je sais même pas ce que c'est .
Je me réveille tard ensuite , fatiguée et presque en pleurs ... me réjouissant seulement de ce que dans moins de quinze jours je serai de l'autre côté de la mer , au milieu de l'Inde chatoyante et de ses merveilles ... tiens pour une fois je n'ai même plus la trouille en pensant à l'avion . Pourvu que ça dure .
Je me prends par les bretelles pour aller promener , histoire que le chien se défoule et ne songe même plus une seconde à bouffer notre Rajah . Bien m'en prend , dès qu'on sort de la voiture ( petite ballade au dessus d'Anduze ), rien que de voir les grands arbousiers et la salsepareille qui s'enroule sur les genêts dans la pente , rien que de marcher un peu au soleil , le bien-être m'envahit . Bénis soient ces arbres et ces buissons ... on monte en lacets , puis on pénètre dans une forêt de très hauts pins , chênes et chataîgniers . Le sol est couvert d'un tapis épais et spongieux de feuilles de chataîgnier ocre rose , toutes humides et pâlies par les dernières pluies . On longe les vestiges d'un rempart ; sur les rochers la mousse d'un vert doré contraste avec les lichens turquoise clair . Merveilleux , merveilleux ... Dragée gambade , en avant en arrière en avant ... Une harde de sangliers , ou plutôt de marcassins , croise notre route d'un petit trot allègre ; je les laisse traverser , tout en m'accrochant à la laisse du chien qui a envie de les suivre ; eux sont si légers qu'il n'ont même pas laissé de traces dans la terre humide ( reste toujours la possibilité que ça soit des fantômes de marcassins , ou des elfes déguisés en marcassins ) Nous montons jusqu'à un genre de col , on voit le mont Aigoual au loin , la neige a presque fondu .
Retour paisible . Ce chien extraordinaire a réussi à se rouler avec délices dans la seule flaque de cambouis de toute la forêt . Je ne me serais jamais doutée qu'il y avait la moindre possibilité d'une flaque de cambouis sur ce chemin ... Elle l'a trouvé . Vraiment génial ensuite d'enlever le cambouis des longs poils agglutinés d'un Golden Retriever ... dire que cette chose était blanche comme neige quand ses parents nous l'ont confiée . Je n'arrive pas à la nettoyer parfaitement , ça lui fait des bajoues noirâtres ... Ca leur apprendra à ses parents , quand je pense qu'ils sont en train de se taper des punchs planteurs sur une plage de sable fin ... il est quatre heures , il doit être dix heures du soir là bas , s'il faut ils sont bourrés comme des coings ... vacherie ...