Jeudi soir , revenant bien tard d'une chouette soirée , amitié et rigolade réunies , je trouve sur le répondeur un mot de Maria : " votre maman a fait une chute mais l'infirmier l'a regardée et ça n'est pas grave " . Ouf ! une heure moins le quart du matin , si maman était aux urgences Maria me l'aurait dit , inutile de les déranger aussi tard ; je dors quelques heures d'abord ... A cinq heures , je me lève en catimini , tout le monde dort sauf Hermione qui m'a entendue ... une douche chaude termine de me réveiller , nous nous glissons dans ma voiture , en cinq minutes je suis chez maman ; l'infirmier est déjà là pour sa toilette du matin , elle n'a mal nulle part et marche sans problème , mais a vomi son repas du soir , c'est tout de même un peu inquiétant . Je demande à Maria de rester avec elle pour qu'elle ne soit jamais seule et d'appeler la toubib dés que possible .. Philippe et moi devons faire le trajet jusqu'à la région de Sisteron où je compte , d'abord , aller voir une très vieille amie , puis aller chercher une de mes cousines préférées pour qu'elle passe la journée avec maman , jolie balade et heureuse journée en perspective ... j'interroge maman pour savoir si elle veut annuler la venue de la cousine , elle me dit qu'elle est heureuse de la voir . Ca compte en ce moment , car je la trouve assez déprimée , elle répète que ça serait bien de mourir , que mes soeurs ne viennent plus jamais la voir ... Bien sur , c'est juste un passage dépressif , et je sais , personnellement , que la dépression n'est qu'une émotion qui passe ,mais bon , ça m'inquiéte quand même . Le bon point , c'est qu'elle ne s'est rien cassé ! Donc , on maintient notre projet , et nous voilà partis , Philippe , Hermione et moi ..
Trois bonnes heures pour arriver à Sisteron où souffle un grand vent terrible ; on trouve avec difficulté une place pour se garer et me permettre de faire un pélerinage à la boulangerie de la rue droite qui vend des fougasses à l'anchois et des fougasses au sucre , délices noyées d'huile d'olive qui me rappellent les migrations saisonnières de ma famille , quand on partait de Nice à la Haute-Savoie ; toute la journée en voiture , mal au coeur dans les routes qui tournaient ... la halte à Sisteron était bienvenue . Maman et tata allaient au cimetière fleurir la tombe de ma grand-mère , que je n'avais jamais connue , donc ça n'était pas vraiment triste : c'était dans la partie du cimetière la plus haute , les morts , et les vivants qui les visitent ,y jouissent d' une belle vue ; on achetait ces fougasses succulentes , j'enfonçais jusqu'au nez mes petites dents avides dans la pâte moelleuse et grasse ...
Dans la boulangerie , je fais juste provision de fougasses pour maman , puis nous montons à Clamensane . Nous négligeons la route de Saint-Geniez , berceau aérien de ma famille maternelle où je me promets sans cesse de revenir ; prenons Nibble ... nous longeons une petite rivière à l'eau étincelante , pour arriver à un village ensoleillé accroché aux pentes basses . Une amie de très longue date habite là , ou plutôt ses parents y habitaient ; sa maman est en maison de retraite maintenant , à Digne , un crève-coeur pour la maman et pour la fille ; mais pas moyen de faire autrement ... nous sommes surement un peu cousines , car de Clamensane à Saint-Geniez il n'y a que quelques kilomètres à vol d'aigle . Quel bonheur de retrouver ses yeux bleus , son accent chantant des Alpes du Sud , le même que celui de ma cousine ... De regarder , de son balcon , la belle montagne dont les flancs commencent à prendre des teintes d'or , qui sépare son nid , du mien ...