Comme vous l'avez compris d'après les chapitres précédents , je ne me sentais pas à 100% bien dans Anandashram ... toujours ce Ramnam lancinant , de six heures du matin jusqu'au soir ... aussi , quand une autre française m'a proposé de l'accompagner pour visiter un petit ashram des environs , où il y avait la possibilité de méditer dans des grottes (?) , j'ai sauté sur l'occasion . En fait , elle y déménageait - pour trois jours , ce nouvel ashram respectant scrupuleusement la règle des sadhus errants . Encore une personne intéressante , cette Tinga , une rigolote , l'air de rien , voyageant seule comme une plume au vent , d'un bout à l'autre de l'Inde , avec ses petits bagages .. Je n'en suis pas encore là , mes bagages à moi étaient , certes relativement légers , mais trop volumineux pour me permettre de naviguer facilement par car et par train . ( Je m'étais posé la question de partir quelques jours , et ce volume de bagages ,plus la chaleur écrasante quand j'ai du prendre la décision , m'avaient fait choisir de rester à Kanhangad ; sottement , j'avais pris à l'avance mon billet de retour à partir de Mangalore , j'étais en outre un peu coincée . Mais qui sait ... une prochaine fois , sans doute ... )
Donc , nous voilà parties en rickshaw à travers la campagne , et vingt minutes plus tard on nous pose devant l'entrée pimpante d'un autre ashram . On enlève nos sandales , Tinga part s'installer ; le gardien me pousse , littéralement , dans une entrée étroite creusée dans la roche ; entrée d'un couloir également étroit , mais bien éclairé , cimenté , avec ce qui me semble , au premier abord , des tas et des tas de ramifications , et des ouvertures sombres qui s'ouvrent tout au long .. petites grottes , ou cellules , et je n'ai pas pensé à prendre ma lampe de poche ... je passe d'un couloir à l'autre , puis me rends compte que le lieu n'est pas si grand , qu'en fait c'est le dessous d'une toute petite butte , avec quelques fenêtres à claire voie sur l'extérieur ; et comme je suis là pour méditer , je m'installe dans une cellule qui ne semble pas trop sombre -, on peut toujours expérimenter .
Instantanément ou presque , la tranquillité , l'équilibre , la sérénité ,tout celà bien compromis par mes réactions des jours précédents au perpétuel Ramnam , m'envahissent ... je ne sens plus mon corps , et me voilà partie pour une demie-heure de paix profonde ... j'en suis tirée par des touristes ( indiens ) qui visitent les couloirs en pouffant de rire ; mais qu'importe , je suis complétement ressourcée et me sens droite dans ma colonne vertébrale . Mes yeux se sont habitués à l'obscurité , je vois que la petite cellule n'était pas si grande ; j'en essaie ensuite une autre , avec autant de bonheur ; une autre encore ...
Je décide , enfin , de revenir à la surface ... Je passe par une petite exposition de photos dédiée au créateur des grottes , un certain Swami Nityananda , sur lequel je ne manquerai pas de me documenter à mon retour : il y a vécu longtemps en ermite , et les a lui-même creusées (? ) . Juste au dessus des grottes , quelques marches permettent d'atteindre un petit temple tout blanc ; sur le terre-plein des fanions orange claquent et vibrent dans le vent tonique venu de la mer toute proche ; il est midi , et là il fait pourtant merveilleusement frais et vivifiant .. La copine est déjà assise à l'ombre d'un pilier , je l'imite et nous assistons à la Puja , à grand sons de cloches assourdissantes qui nettoient les oreilles ... Quel bonheur ! le voilà mon Eden !