Sur la route du retour , nous avons dormi à Paray le Monial . L'abbaye est magnifique ! L'hôtel était sympathique mais un peu bizarre , la douche , notamment , semblait n'avoir pas été nettoyée depuis quelques années ; par contre , la promenade de nuit jusqu'à l'abbaye éclairée , une vraie splendeur , a ranimé mon enthousiasme ; même si nous avons cheminé par des rues minables avant de l'atteindre ( on était passés par Cluny , la veille , qui faisait nettement plus classieux ) .
On est retournés en ville le lendemain matin ; les rues pavées , bordées de maisons anciennes , et les jolis jardins fleuris de rosiers blancs et rouges - j'ai piqué quelques boutures .. - grouillaient de pélerins divers et de jeannettes ( je crois que c'est le féminin de scout ), habillées de noir ou de bleu marine très foncé , portant drapeaux et étendards ,et sacs à dos : des ados , mais en uniforme , encadrées par une bonne soeur toute blanche , piaillant à qui mieux mieux , ou massacrant gaiment des chansons entraînantes . Hermione a fait un brin de conduite à un chat roux sympathique , qui a du grimper jusque dans un arbre - hélas .. nous l'avons grondée sévèrement , mais il n'est pas certain qu'elle ne recommencera pas .
Je voulais voir l'intérieur de la grande église . Devant le porche , un papa était en train de reprendre en main , alternant remontrances et menaces , sa petite fille de cinq ans environ qui pleurait à chaudes larmes . Sans m'en soucier davantage , je suis entrée .. mais c'était la messe . Je voulais écouter , et j'arrivais le coeur ouvert , d'autant plus que mon anticlérical de compère était ressorti aussi sec . Miséricorde ! Des sons suraigus et traînants , tout droit sortis de l'enfer - mais produits par une pieuse chorale menée par un chef de choeur onctueux ( qui me faisait penser à l'innénarrable curé de La vie est un long fleuve tranquille ; malheureusement les choristes étaient très nombreux , beaucoup plus que dans le film ) ont tout de suite agressé mes oreilles avec violence ... Les paroles disaient , en français ,quelque chose du genre que seuls les coeurs purs vont gravir la montagne du Seigneur . Blémissant d'horreur , les tympans vibrants de souffrance , j'ai rebroussé chemin vite fait pour me réfugier sous le porche - pour tomber sur une maman furieuse , l'autre moitié de la famille , qui chapitrait avec énergie son tout petit garçon de deux ou trois ans , alternant habilement menaces et remontrances ... J'ai pu comprendre que le gamin , sorti de l'église à toute vitesse , ne voulait pas du tout du tout y rentrer - ce que je comprenais absolument , tant les sons étaient insupportables à toute oreille un peu sensible . Mais la mère a fini par le dompter : je voyais le gosse la suivre en pleurant , plaquant ses petites mains sur ses oreilles pour les protéger .
Que faire ? Une fois de plus , je me suis mêlée de ce qui ne me regardait pas et j'ai signalé à la maman que ce gamin avait probablement l'oreille musicale .. Elle a paru interloquée - encore dans la colère d'avoir du quitter le concert à cause du gosse . Et le père , idem , avec la petite fille - chacun se chargeant de mater l'un des enfants ... Pour essayer de lui faire accepter l'idée que tout un chacun n'était pas à priori apte au seul ravissement d'être ensemble avec les autres membres, j'ai suggéré que l'acoustique de l'abbaye était terriblement mauvaise . Bien sur , ça n'était pas l'acoustique , mais le choeur ; ou la musique - mais ça , c'aurait été visiblement en dehors de sa compréhension ; donc j'ai essayé de semer au moins une graine ... ces bons parents avaient un désir impérieux et quasi fanatique de faire participer à toute force leurs gamins , parce que c'était la messe . Et tant pis si les oreilles des minots sont massacrées ... dans un autre milieu , moins bourge et pas forcément catho , elles sont massacrées à l'adolescence , et c'est leur choix , par les basses à plein tube dans les voitures . Bon ! Je ne pouvais vraiment pas faire mieux . Mais tout de même , les intégristes me font froid dans le dos , quelquefois . Ca m'a rappelé les jours abominables que j'ai passé à l'ashram de Swami Ramdas * , où la dévotion primait, à toute force également , la justesse du chant . Quelle idiotie .
( cf chapitre 1255 de Février 2012 :
http://www.petites-peintures.com/article-chapitre-1255-bhajan-hall-99723624.html )