Petites Peintures
A l'origine , c'était un blog pour montrer mes peintures ,qui sont des petits formats sur papier . Au fil des jours et des mois , et parce que j'écris quand je n'ai pas la disponibilité pour peindre , c'est devenu un endroit en dents de scie qui m'a permis d'assumer enthousiasmes et déprimes , joies et agacements ,bien souvent comme si c'était la dernière bouée qui me restait sur terre . Il est nécessaire que vous gardiez à l'esprit que c'est le blog de quelqu'un qui est en cheminement ; quelqu'un qui sait , comme le lecteur , que les émotions changent sans cesse , les émotions qui sont refus du monde qui m'advient , et qu'il ne faut pas trop s'y laisser prendre ; mais pas les nier non plus ; et que l'enseignement des sages est : " Tout est bien ". Un monde harmonieux , en somme , pour peu que nous puissions en comprendre les mécanismes ... ce qui n'est pas encore mon cas .Oui , j'ai fait quelques progrés en trente ans , si vous saviez d'où je viens ... Le chemin m'emméne , de toutes façons . Vers où ? En attendant de le comprendre , ce monde , on peut juste émettre le voeu boudhiste : " Puissent tous les êtres se sentir heureux " - si vous le préférez en Sanskrit : Loka Samastha Sukhino Bhavantu
J'explique le pourquoi du pseudonyme en partie dans le bandeau de mon autre blog , au nom tiré de Lewis Caroll , mais néanmoins consacré à des voyages en Inde - le lien est tout en bas à gauche , mais vraiment , en bas , en bas ...
Branchesetbosquets , c'est l'étymologie de mon nom de famille - et puis ça me confortait dans l'impression d'être un personnage de Tolkien . Enfin , si vous avez perdu mon e-mail : c'est francoise.rambosson@free.fr , et je préférerais , de beaucoup , que ça apparaisse en petit mais - j'arrive pas .
Je m'interroge très sérieusement : et si ma fatigue actuelle , qui est au rendez -vous tous les matins , venait de mon habitude de cavaler ? qui ne correspondait pas originellement à ma nature , mais dans ma famille ( 5 adultes stressés , deux ados quand je suis née ) tout le monde se dépêchait tout le temps . Essayant d'en faire le maximum ... Et j'ai gardé le pli ... mais qu'est-ce qui me presse , maintenant que j'ai presque grandi ( cinquante neuf ans , je suis une grande fille maintenant ... ) je repense à Amma Shakti Siva qui marchait lentement , si lentement , comme si elle glissait ... en nous écoutant respirer , en nous regardant nous taire . Ai-je dit à quel point elle nous regardait avec ravissement , à quel point elle donnait l'impression d'écouter une merveilleuse musique à l'intérieur de nous ? cette femme minuscule donnait l'impression d'une force et d'une densité extrêmes ; dense comme un rocher , dense comme du bois dur , cyprès ou olivier de chez nous ( si je me souviens bien de mes leçons de physique au Lycée , à l'intérieur des choses que nous appelons " solides " , l'agitation perpétuelle des molécules - ou des atomes , je ne sais plus - est bien plus lente que , par exemple , dans l'eau où elles gigotent plus vite ; et encore plus dans l'air et tous les gaz )
Hier après-midi j'ai décidé de m'offrir une ballade en solitaire égoïste dans la colline : à cause de la fatigue toujours pesante , je pensais que marcher me serait bénéfique . Regrettant , comme toujours dans ces cas là , de n'avoir pas de labrador . Philippe est toujours réticent : en fait , il s'est difficilement remis de la mort d'Anaïs . Moi , l'habituée des montagnes russes émotionnelles , je suis déjà partante pour en adopter un autre . Enfin , en attendant qu'il fasse comme je veux ( ça viendra ... ) je nous ai proposés pour faire encore du babysitting , pour un autre Golden Retriever , celui-ci se prénomme " Amour " , faut le faire ...on est censés faire connaissance la semaine prochaine . Mais je me trimballe toujours mon envie de Labrador ...
Et alors , bien sur ... c'était un bonheur de marcher dans la colline ensoleillée . J'ai vu les premiers amandiers ( ils sont en retard cette année )
En redescendant avec ma cueillette de thym , j'ai rencontré la petite dame un peu cinglée et terriblement édentée , avec son énorme clébard eczémateux , l'ancien soupirant d'Anaïs . Elle m'a fait la conversation , c'était très reposant , un monologue dont il ressortait qu'elle s'est cassé la figure hier en accompagnant son chien , qu'elle est restée plusieurs heures par terre dans l'herbe et que personne ne l'a secourue bien qu'il y ait eu des gens dans la vigne d'à côté et qu'elle ait crié au secours . Comme son discours dérapait un peu vers la fin , je ne sais si c'est la réalité ou un rêve . Elle était , pour une fois , extrêmement bien habillée sous son tablier à fleurs de tournesols , une jupe plissée grise et un pull rose mauve à col roulé , avec de vraies chaussures et pas des pantoufles comme d'habitude . Son fils vient la voir tous les soirs , je souhaite de tout mon coeur qu'il ne décide pas , pour la protéger , de la mettre en maison de retraite : elle adore , comme moi , se ballader dans la colline dès les premiers rayons du soleil ... et oui , il y a le risque , qu'elle tombe . Bien sur .
On a tous appris à l'école primaire à dévider la liste des cinq comptoirs français en Inde , Pondichery Chandernagor Mahé Karikal Yanaon ... et si vous ne vous en souveniez plus , il suffit , pour les retrouver , de fredonner la délicieuse chanson de Guy Béart ,
elle avait , elle avait , un Chandernagor de classe ,
[...] elle avait , elle avait , le Pondichery accueillant ...
c'est pour ça que , dans le quartier français de Pondi , à l'atmosphère coloniale calme et proprette et raffinée , outre les petites maisons et les bougainvillées exubérantes , il y a plusieurs églises catholiques ; celle qui est rose s'appelle , je crois , Notre Dame des Anges . Martine est allée y écouter une messe tôt le matin , et il y a des choeurs de petits enfants qui chantent , parait-il , merveilleusement bien .
Une différence entre la Promenade de Pondichery et la Promenade des Anglais à Nice , c'est que sur la première on ne se baigne pas . Autrefois il y avait une grande plage de sable , mais il y a quelques années ( je n'ai pas compris si c'est depuis le tsunami , qui n'a fait aucune victime ici , ou avant ) les autorités ont fait déverser des tonnes de rochers noirs tout le long de la digue , pour stabiliser le bord de mer . En outre cette année il y avait interdiction de se baigner , quelques jeunes indiens s'étant noyés là récemment . Souvent les gens ne nagent pas très bien , d'ailleurs . Mais tout un chacun peut contempler la mer , ou se livrer au plaisir * d'être éclaboussé par les embruns purificateurs . On fait ça seul , à deux , en famille , entre copains , entre copines ...
Sur la photo du dessous la petitoune , à côté de sa maman , est habillée comme pour l'école : cheveux soigneusement nattés , robe d'uniforme qui a le grand mérite de gommer les différences sociales .
* il me vient à l'esprit que c'est peut-être plus qu'un plaisir . Je ne connais pas bien la civilisation indienne , mais je crois que les ablutions ont une grande importance symbolique . Respect de cette eau grâce à laquelle nous nous lavons des poussières de la journée et des pensées moches , on peut en prendre de la graine ...
Dans les villes il y a souvent : d'une part , les magasins qui vendent plutôt des saris ; et d'autre part , les magasins qui vendent plutôt des salvar kameez , c'est à dire ces ensembles , si pratiques à porter quand il fait chaud , composés d'une tunique que vous pouvez choisir plus ou moins longue , d'un pantalon ultra léger assorti qui se glisse fluidement sous la tunique ( oui oui et ceci même au cas où vos fesses auraient plutôt enthousiasmé Rubens que Giacometti ) et d'une écharpe vaporeuse , que pour ma part j'ai des difficultés à porter parce qu'elle glisse tout le temps , également assortie , dont les pans retombent avec grâce dans le dos ( c'est là que le bât blesse ) . Et les stylistes indiens font mon admiration , tant ils ont de sensibilité , de délicatesse et de hardiesse , dans le choix des couleurs et des dessins des différentes pièces du vêtement . Parole de peintre . Ce magasin là vendait uniquement des saris , j'ai pris la photo pendant que deux groupes de femmes apres et volubiles faisaient étaler aux vendeurs de somptueux saris de soie . Les saris sont empilés bien pliés sur des mètres de hauteur d'étagères , à la demande le vendeur en sort quelques uns , et déroule les arc-en-ciels sur le comptoir ; on prend tout son temps pour choisir , pour regarder , pour toucher et pour comparer ; ça serait vraiment grossier de se dépêcher , un peu comme si vous visitiez le Louvre au pas de charge .
Ce matin , comme hier matin , comme avant-hier , comme les jours d'avant , je me suis sentie tellement épuisée dès le réveil . J'ouvre en général un oeil , je vois Rajah au pied du lit , je ne m'étire pas encore mais ce chat merveilleux sait que Manman est réveillée , alors il s'étire puis fait juste quelques pas sur le lit pour venir se repositionner , soit contre mon cou , contre ma poitrine ou quelquefois carrément sur ma tête , y'a pas de raison de se gêner d'ailleurs lui sait que Manman ne proteste que pour la forme , six ou sept kilos de chat ronronnant d'amitié et qui sent bon , même si ça vous étouffe à moitié c'est forcément cadeau ... il visualise très très fort que je vais me lever et aller découvrir avec lui son bol plein de succulentes croquettes , toujours les mêmes jour après jour mais on ne s'en lasse pas ; et ça marche presque toujours , je finis par me lever en chancelant et par me traîner de marche d'escalier en marche d'escalier , accompagnée de miaulements encourageants , jusqu'à la cuisine .... pendant que Philippe ronfle encore .
Seulement la Rajahthérapie n'a pas opéré pour moi ce matin , je sentais toujours cette fatigue lourde , cette absence complète de tonus ... Toujours allongée , j'ai essayé de penser à un endroit où je me suis sentie vraiment bien : la grotte dans Arunachalai où Ramana Maharshi a passé de longues années ; mais ma lassitude était si grande que dans mon souvenir je me rappelais seulement à quel point la ville de Tiruvannamalai est proche de cette grotte , trop proche , juste quelques centaines de mètres en dessous ... toutes les villes sont des pieuvres , et mon espace de bonheur utérin était envahi peu à peu , et la fatigue demeurait .
( ça c'est une photo prise à quelques mètres de cette grotte . Je ne prends pas de photos de la grotte elle-même , parce que des gens y méditent et que c'est extrêmement dérangeant que quelqu'un vienne prendre des photos quand vous méditez ... on aperçoit , hélas , un paysage brouillardeux en bas , c'est le brouillard de pollution de Tiruvannamalai )
Puis je me suis souvenue du darshan d'Amma Shakti Shiva ( voir chapitre 598 en Janvier ) , cette rencontre silencieuse avec une femme vivante ( alors que le Maharshi est mort en 1950 ) sous le regard et l'écoute de laquelle je me suis sentie exister . Je me suis sentie , pour la première fois de ma vie : VUE . Quelqu'un me voit , quelqu'un m'écoute sans que je parle , m'écoute avec amour , m'écoute et me voit tout entière moi pauvre de moi pauvre conne que je suis , moi avec ce corps , cet ego avide et mendiant et curieux comme tous les egos , ce mental vagabond et prolifique ; quelqu'un m'a vraiment vue ... pour la première fois de ma vie . Parce que la vision de quelqu'un d'éveillé , vision débarrassée de tous les fantasmes et toutes les projections qui occuppent et étriquent nos esprits à nous , est plus vaste , un infini de vastitude ( tiens je me mets à parler comme Ségolène Royal ouh là là ! ) .. un océan d'amour , un océan de vie .
Et là ce matin d'aujourd'hui maintenant j'ai senti , comment dire , comme si j'étais un arbre de bois incroyablement dur , mais avec la sève qui se remet à circuler , l'échange avec l'air extérieur qui se fait à travers les pores de la peau dure ( j'ai toujours eu des problèmes de peau sèche , je m'étais forgée une vraie peau de rhinocéros quand j'étais petite ) pas très bien encore , mais cette force incroyable à disposition ; et la fatigue qui va voir à l'autre bout du monde si j'y suis ...
Et ça c'est Arunachala tôt le matin , vue de l'Ashram , qui est aussi un bon endroit , où chaque jour je me suis sentie bien , aussi . Je vous l'ai dit , c'est une montagnette pas plus haute que la Sainte-Victoire , et le lieu de recueillement de la grotte du Maharshi est à une vingtaine de minutes de marche de l'Ashram . Seulement , du coup on se retrouve au dessus de la ville ... ce qui n'a plus d'importance dès qu'on est là haut , mais mon mental a squeezé cette impression pour revenir aux impressions d'enfance d'une ville bavarde tentaculaire , comme ma maman ...