Hier a été une de ces journées difficiles , j'avais du temps pour peindre , j'ai commencé deux peintures qui très rapidement ont tourné au désastre moches mais moches ... j'ai laissé tomber , et pour me changer les idées , j'ai été au jardin , comptant faire le tour des plantes qui s'ouvrent en leur disant des choses gentilles ("bonjour , toi ! tu es la première nigelle à fleurir ce printemps " ... etc .. ) puis je me suis dit que j'allais avancer le bassin , je suis dans un dilemne , j'avais lu que c'était bien de le mettre au soleil , mais si je mets une de ces bâches en plastique noir les poissons vont tout simplement frire ; alors le cimenter ? je n' ai jamais fait de maçonnerie , mais j'aime bien patouiller les trucs visqueux , en général ; j'ai regardé sur google à la rubrique " bassin de jardin , ciment ", j'ai lu un article décourageant ; bon alors je reviens à l'idée de la bâche , je peux mettre du sable clair au fond , mais sur les côtés alors ? et puis les bords ça va pas faire beau ...en attendant que vienne l'idée géniale je me suis mise à tamiser de l'argile - la terre ici est très argileuse , en creusant je suis tombée sur une nappe d'argile , j'ai pensé que c'était astucieux d'en enduire les bords du bassin , qui sont pour l'instant irréguliers , mais la vérité c'est que j'adore le contact de la terre glaise , qu'on m'interdisait de toucher quand j'étais môme , mes saletés de grandes soeurs , elles , avaient le droit d'aller au ruisseau mais pas moi pas moi pas moi quelle injustice quelle souffrance - bon , maintenant je me rattrape , entre mes petits canaux au potager, les plantations de pieds de tomate dans la bouillasse , et puis cette argile que je tripote ... et puis je me suis mise à penser que ce bassin carré ,au centre du jardin, c'était comme de construire un mandala , j'étais dans les dispositions spirituelles adéquates ,recueillie ... et que je te tamise l'argile d'un tamis à grosses mailles dans une cuvette , et que je te transvase la bouillie de la cuvette dans un tamis plus fin ... en plein cagnard ...
au bout de quelque temps mes pieuses dispositions ont insensiblement fait place à la souffrance puis la colère habituelles venues du fin fond de l'enfance ( j'en peux plus , j'y arrive pas , y'a trop à faire , c'est jamais assez bien , etc ... ) si bien que vers cinq heures je me sentais mal comme tout , l'angoisse me ligotant le sternum, emberlificotée dans la vieille sensation d'échec et de désespoir, et je me suis dit que tout ce que j'avais fait de bien dans la journée , c'est le repassage et les feuilletés au pélardon *
youpi ...
la légende est : " pas à la hauteur" .C'est à la tempera . Quand j'étais à l'école primaire , j'étais en avance pour la lecture mais pas pour l'écriture parce que les stylos billes n'étaient pas autorisés - de toutes façons , ils crachaient , à cette époque -on avait seulement droit aux porte-plumes ; alors je faisais des taches , que j'essayais de gommer , naturellement ça faisait des trous horribles , je me souviens encore de la sensation de catastrophe et de honte ... ça a été un vrai bonheur de trouver un frère de souffrance , dans les 400 coups de Truffaut où la même aventure arrive à Jean-Pierre Léaud ; lui essaie de s'évader ... l'institutrice impatiente sur la peinture se réfère à maman aussi , parce qu'elle enseignait à des élèves instit à l'Ecole Normale , donc quelquefois elle venait assister aux leçons , c'était encore pire . Naturellement je me répare chaque fois que je peins avec toutes ces taches !)
Cette autre date de 2000 et c'est un souvenir d'enfance plus tardif , de l'atmosphère chez moi quand j'étais déjà au lycée ; la peinture est un peu confuse mais elle me fait encore rigoler quand je la vois , la légende est : " au gré de ma mère , le char de la victoire n'avançait jamais assez vite" . Il faudrait que je reprenne le profil de la frénétique conductrice du char , mais j'ai peur de tout abîmer si je le fais .
en fait elle est mieux aggrandie ( son format réel est environ 25x35cm ), mais comment fait-on pour que le lecteur puisse le faire ?
25 Avril : depuis une semaine je ne peux positivement plus voir ce maudit bassin ... cet après-midi une experte (Daniella ) va venir me conseiller ...
Bon , je vais me remonter le moral , ou me recentrer , en recopiant une définition de la perfection que j'aime beaucoup , trouvée dans Richard Bach , il y a longtemps ( c'est dans le Messie récalcitrant , comme d'habitude un dialogue entre le Messie et le narrateur )
" l'Etre ne sait même rien de nos illusions et de nos amusettes . Il ne connait que Lui-même , et nous à Son image , parfaits , achevés .
- je ne suis pas sur d'avoir envie d'être parfait et achevé . Tu parles d'un ennui ...
- Ragarde le ciel , dit-il.[...]
- Un beau ciel , dis-je.
- Un ciel achevé ?
- Ben ... le ciel est toujours achevé , Don.
- Es-tu en train de me dire que tout en changeant à chaque seconde , le ciel est toujours un ciel achevé ? "
....
* ( les feuilletés au pélardon c'est presque inratable ,j'ai inventé la recette oui , non c'est pas excessivement original , mais c'est très bon . En tout cas j'aurais aussi pu les oublier au four , ça m'arrive *)
recette des feuiletés au pélardon :
il faut pour 3 personnes : une pâte feuilletée toute faite , pur beurre c'est pas diététique mais c'est meilleur , et trois pélardons
vous coupez la pâte feuilletée en trois , vous emmaillotez artistiquement chaque pélardon dans son petit berceau de pâte , vous pincez les bords pour que ça soit presque hermétique mais percez de deux ou trois trous avec une aiguille à tricoter , et mettez au four chaud ( th7 ) à peu près une demi-heure , ça fait un repas complet avec une salade verte ... délicieux ...