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Quatre heures du matin , je m'éveille en pleine forme ... je fais tout d'abord mon courriel , puis il est cinq heures , je m'installe en bas pour une petite sieste - j'ai le temps ! - et je commence , volontairement , à faire un " rêve-lumière " , me donnant pour vœu la complète guérison de ma main gauche ( une des cicatrices a complétement disparu , laissant la place à de la peau saine ; mais j'ai , involontairement , méchamment griffé , de ma main droite , la deuxième cicatrice quasi guérie , aggravant la blessure ... Involontairement ... j'ai bien vu , en laissant monter les souvenirs , que cet involontairement là traduisait , en fait ,une énorme hostilité entre deux personnes de mon enfance , entre lesquelles je naviguais . Hostilité , quasi haine viscérale ... ma maman , d'un côté , vertueuse , rigide , courageuse , hyperfatiguée , rarement douce ( pendant les vacances seulement ! ) ; ma marraine , c'est à dire la " bonne d'enfants " et femme de ménage de la famille , une femme très reliée à la terre , à son corps vigoureux , qui m'adorait pendant mes premières années mais dont la situation sociale l'avait rendue manipulatrice , et qui avait une solide conscience de sa qualité de prolétaire ...
Donc , je m'allonge dans la pièce de yoga du bas - mais sur un des lits , tout de même ! ce que j'évite quand j'écoute des relaxations enregistrées , pour ne pas m'endormir dans ces cas-là - et laisse monter les ressentis de cette enfance , aussi déchirée parfois que peut l'être un enfant dans un divorce . Enfin , je suppose , en ce qui concerne les divorces . L'enfant , aime tout le monde , et ces haines la déchirent aussi , et elle n'a pas la structure mentale pour comprendre et distancier .
Mais moi , je l'ai , cette structure ; en ce moment , je me sens , la plupart du temps , heureuse et stable et souple dans ma tête ... Tout d'un coup , pour laisser parler cette enfance , je repense à mon lapin en peluche blanc , premier confident , premier ami ... si je lui laissais la parole ?
Car , ce lapin , je l'ai récupéré quand on a vidé la maison de maman . Un peu râpé , un peu décousu , un peu grisâtre - mais il existe toujours ... Seule la paresse me retient , en cet instant , d'aller le chercher au fond du placard . Puis , je rigole ... m'imaginant , vue de l'extérieur - adulte rondelette de soixante et onze ans maintenant , aux cheveux quasiment tous blancs , nichée contre son lapin blanc en peluche . Bah ! ça ne me gêne guère ! Seulement , comme j'ai la flemme , je reste pelotonnée , choisissant de me contenter de penser à ce lapin ... lui donnant la parole , pour exprimer le mal-être enfantin , indicible alors .
Eh bien ... vous ne saurez pas ce qu'il disait , le lapin , parce qu'à ce moment là ( mais peut-être s'agit-il de mes résistances intérieures ) car je me suis rendu compte , à ce moment là , que mes poignets étaient dévorés de piqures de moustiques ; j'ai jailli du lit douillet pour aller chercher la prise anti-moustiques ; que je ne suis pas arrivée à trouver . Et tout à coup a surgi Baptiste , braillant d'émotion chaque fois qu'il revient d'une virée en campagne parce qu'il retrouve Hermione , et son bol de croquettes , mais qu'il a besoin qu'on l'accompagne au bol de croquettes pour l'apprécier vraiment . Et comme Philippe dormait tranquillement , avec une bonne respiration régulière pour une fois , et que je ne voulais pas le réveiller - j'ai servi Baptiste , j'ai servi Hermione qui frétillait , j'ai servi Noisette qui voulait de l'eau mais pas celle dans le bol de l'eau fraîche ... j'ai mis une lessive dans la machine , je vais arroser les plantes sur la terrasse . La matinée commence ! Chouette !
Et je ferai parler ce lapin une autre fois ! je suis tranquille , il reviendra ! Tant qu'il aura besoin de parler ...
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