Dimanche et Lundi , de grosses averses se sont épanchées avec abondance sur le jardin printanier ... J'ai du faire une tournée pour mettre des tuteurs aux iris , redresser le rosier mutabilis sinensis à l'entrée du potager , un des deux premiers fleuris : glorieux et rayonnant la semaine dernière , bien abattu après la pluie parce que ses branches , même si les corolles sont légères , sont encore très souples et se sont allongées à terre sous le poids des fleurs et des feuilles alourdies d'eau .
En revenant , je me suis aperçue qu'un ophrys abeille , à pétales roses et bruns , poussait tout près de la maison ... c'est le seul de son espèce au jardin ( mais les abeillettes , les ophrys araignées , y ont fleuri avec abondance il y a un mois ). Je l'ai entouré d'un cercle de petits cailloux pour éviter que quelqu'un ne lui marche dessus . J'étais toute contente de le trouver là !
Et puis , constatant avec tristesse que les poissons rouges avaient tous servi de casse-croûte au héron cet automne , j'ai commencé à vider le bassin dont l'eau commençait à sentir mauvais . Avec des arrosoirs , c'était trop long ; Philippe m'a aidé à le siphonner . En fait , c'est lui qui a fait la plus grande partie du travail ... Il y avait énormément de vase ; les tiges des nénuphars , installés il y a dix ans , étaient grosses comme mon poignet et avaient tout envahi . On a commencé à les évacuer quand il n'est plus resté qu'une vingtaine de centimètres d'eau ; ça sentait encore moins bon , mais le compost va être certainement enrichi ! Aucun poisson en vue ; on voyait seulement la queue d'un poisson rouge défunt , encore brillante , émergeant toute droite de la vase compacte - un spectacle à vous briser le cœur . J'ai donc laissé , lâchement , Philippe s'activer , et suis partie planter les aubergines et désherber la terre humide du potager .
De retour quelques heures après : le siphon s'était bouché . Philippe était parti acheter des bottes de caoutchouc pour pouvoir travailler dans le bassin ; il y restait encore une dizaine de centimètres d'eau . La queue du poisson rouge émergeait toujours de la vase , et je me demandais comment ça se faisait qu'elle était toujours brillante , s'il était mort de puis longtemps ... Tout à coup ,je l'ai vue du coin de l'œil : bouger ! mon sang n'a fait qu'un tour ... Il est vivant ce poisson ! J'ai couru chercher un récipient , le premier qui m'est tombé sous la main , il y avait urgence ; je l'ai empli d'eau fraîche - peut-être puis-je encore faire quelque chose pour ce malheureux - le dernier du bassin ! ... Je l'ai attrapé , il remuait encore ; je l'ai mis , vivement , dans ce premier récipient . Trop petit le récipient - j'ai rempli d'eau un des arrosoirs et l'y ai vivement transvasé . Pleine d'espoir - parce que c'était tellement incroyable qu'il soit encore vivant , après plusieurs heures la tête dans la vase et le reste à moitié en dehors de l'eau !!!
Mais une fois dans de l'eau claire , le pauvret a recommencé à bouger normalement ... J'étais un peu inquiète parce qu'il s'était fourré la tête dans le tuyau de l'arrosoir ; puis j'ai vu qu'il pouvait en sortir . Le soir même , nous terminions le nettoyage du bassin , patouillant joyeusement dans la vase , entre deux averses . En fait , c'était plutôt rigolo ... On a laissé à peu près un tiers des nénuphars et de la vase . C'est alors que j'ai aperçu un autre rescapé , se tortillant dans le peu d'eau qui restait : un drôle de poisson , très long d'une quinzaine de centimètres , tout mince , gris et brun . Un mutant ? Une anguille en pèlerinage ? Puis , un autre poisson , brun , tout petit - mais là , on sait que ça peut être un poisson rouge une fois adulte .
Enfin , le soir , nous avons remis le bassin en eau .
Et ce matin , j'ai remis le rescapé ( que j'ai baptisé Matsya , bien sur , en mon for intérieur , puisqu' il représente absolument la mansuétude du Divin à mon égard ) dans le bassin rempli d'eau claire . Puis j'ai recouvert le tout d'un cadre grillagé bricolé par mes soins . ( Bien sur , je ne sais faire que du bricolage à la Monsieur Hulot , c'est tout dire sur la solidité de mon oeuvre . Mais c'est pas laid ... et surtout , le héron ne pourra vraiment pas bouffer les poissons .) Je vais voir notre protégé tous les matins ; il nage tranquillement . Mais quelle joie !